Dans la cour des Global third-party logistics (3PL), le marché était jusqu’à présent principalement animé par DSV dont la faim d’acquisitions régale les analystes. Il revient d’ailleurs au groupe danois de transport et logistique la dernière opération d’envergure en date dans le secteur. Il faut remonter jusqu’en avril. DSV Panalpina avait alors annoncé l’acquisition de Global Integrated Logistics (GIL) auprès du groupe koweïtien Agility par le biais d’une transaction entièrement en actions. Par cette opération, le danois faisait entrer le koweïtien à hauteur de 8 % dans son capital (le premier actionnaire reste la Fondation Ernst Göhner, le propriétaire majoritaire de Panalpina).
Pour s’offrir GIL, les modalités réglementaires ayant été soldées cet été, le commissionnaire de transport scandinave a mis sur la table 4,92 Md€ ce qui serait, selon un consensus d’analystes, sa plus grande transaction depuis l’acquisition de l’américaine UTi Worldwide pour 1,35 Md$. GIL (17 000 personnes) a réalisé un chiffre d’affaires de 4 Md$ en 2020, dont 80 % dans le fret maritime et aérien. Le transitaire koweïtien gère en outre 1,4 million de m2 d’entrepôts. Il est particulièrement bien implanté en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient, selon le communiqué de l’entreprise.
Soif décomplexée d’acquisitions
Issu en 1976 de l’association de dix transporteurs routiers, DSV avait déjà cherché à bouger les lignes du marché en 2018 et 2019 avec ses tentatives d’OPA sur la suisse Ceva Logistics. Des opérations non sollicitées qui seront déjouées par CMA CGM, actionnaire qui en détenait alors depuis 2018 24,99 %. L’armateur français a contré l’offensive en montant progressivement au capital de Ceva avant d’en prendre totalement le contrôle et d’en faire une entreprise française, relocalisée à Marseille, près de son siège.
Éconduite par CMA CGM/Ceva, DSV jettera finalement son dévolu sur une autre suisse, Panalpina, numéro sept mondial du freight forwarding. Il finira par arracher en 2019 un accord auprès des actionnaires, divisés sur l’opportunité de vendre. À la date de la transaction, le groupe issu de ce rapprochement pouvait se prévaloir d’un chiffre d’affaires de 160 milliards de couronnes danoises (25,3 Md€) avec 75 000 employés et se hisser en 2e position avec 1,907 MEVP en fret maritime et 1,071 Mt (tonnes métriques) en fret aérien. Ce que le classement 2020 des 25 premiers commissionnaires de transport établi par Armstrong &Associates confirmera (cf. tableau).
Mais cette place, il doit la partager avec DB Schenker (2,29 MEVP; 1,186 Mt). Les deux groupes ex æquo restent néanmoins loin derrière Kuehne+Nagel (4,86 MEVP; 1,64 Mt) et DHL (3,2 MEVP; 2,05 Mt), tous deux numéros un mondiaux également.
Une bouteille à la mer
Lors de l’acquisition de Panalpina, le danois, manifestement pressé de s’épanouir, n’avait pas caché ses intérêts pour d’autres semblables. À peine a-t-il obtenu le feu vert pour GIL et alors qu’il n’a sans doute pas encore assimilé Panalpina, il a annoncé à la hussarde dans la presse danoise le 16 août ses visées sur DB Schenker, si tant est que la société, propriété du groupe public Deutsche Bahn, soit mise en vente.
Alors que des élections capitales (fédérales) Outre-Rhin doivent désigner un nouveau gouvernement et un chancelier, DSV se plaît à croire que la Deutsche Bahn pourrait être intéressée par une cession de DB Schenker afin de réduire les dettes accumulées dans le ferroviaire.
Quoi qu’il en soit, l’incroyable dynamique du fret maritime donne de l’allant. DSV lui-même en profite. Le résultat d’exploitation pour 2021 est attendu entre 13,75 et 14,5 milliards de DKK (1,84 Md€ à 1,95 Md€).
Un des plus importants deals
Dans ce contexte fiévreux, une autre acquisition dans le domaine de la logistique qui, elle, n’a rien de spéculative, attend le feu vert des autorités de la concurrence américaine et européenne. Deutsche Post DHL a finalisé les termes de la transaction avec les principaux actionnaires – les Spoelberch (AB InBev, grand groupe brassicole belgo-brésilien) via la société bruxelloise Cobepa et le holding des Boël à travers son holding Sofina SOF – de J.F. Hillebrand, un poids lourd dans la commission de transport de vins et spiritueux.
La valeur de l’opération, estimée à 1,5 Md$, serait, selon Alphaliner, l’un des plus importants deals du groupe de Bonn depuis l’acquisition en 2005 du groupe de fret britannique Exel pour environ 7 Md$.
Fondée à Mayence en 1844, Hillebrand (2 700 personnes) a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 1,4 Md€. L’entreprise allemande apportera à DHL environ 1,4 Md€ de recettes et 500 000 EVP par an. Au cours du premier semestre de cette année, DHL a transporté l’équivalent de 1,55 MEVP, soit une hausse de 14 % par rapport à l’année précédente.
Des achats audacieux en 2020?
L’année 2020 n’a vu aucun achat audacieux de l’envergure de DSV-Panalpina. L’an dernier, DHL Global Forwarding a maintenu sa position de premier transitaire de fret aérien malgré la baisse des volumes (de 12,1 % en glissement annuel, à 1,7 Mt) du fait de la pandémie. Kuehne+Nagel lui dame le pion. Celui-ci a mis la main en février dernier sur Apex International, une société de logistique asiatique de 1 600 personnes et de 2,3 Md$, qui a traité 750 000 t en fret aérien et 190 000 EVP en maritime.