Concilier logistique et exigences vertes

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La loi Climat et résilience, dont le parcours parlementaire n’a pas été un long fleuve tranquille, a permis de mettre à jour quelques uns des enjeux de la logistique en France et surtout de poser les lignes rouges pour la filière. Les débats sur la planification territoriale des entrepôts logistiques que le projet de loi a suscités sont entrés en contradiction avec la volonté de relocaliser certaines activités productives en France.

Le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat a éprouvé un parcours parlementaire pour le moins heurté avant l’été. L’écotaxe, rebaptisée « contribution spécifique », sortie des tiroirs pour l’occasion, n’est pas seule responsable du traitement médiatique dont elle a fait l’objet.

La loi, validée mi-août par le Conseil constitutionnel, en a toutefois acté le principe: les « régions volontaires » pourront la mettre en place à compter du 1er janvier 2024 sous réserve que les voies concernées supportent un report significatif de trafic en provenance de voies transfrontalières, notamment, déjà soumises à ce type de fiscalité.

Mais outre l’écotaxe et deux autres mesures concernant le transport routier de marchandises – fin de l’avantage fiscal sur le gazole au 1er janvier 2030, arrêt de la commercialisation des poids lourds diesel d’ici 2040 – la loi contient quelques autres dispositions non sans conséquences pour la supply chain. Les débats ont été particulièrement vifs sur la planification territoriale de l’immobilier logistique dès lors que, dans la proposition de loi, l’article 52 fixant « le principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales » a été amalgamé au développement des entrepôts de logistique par un amendement du sénat.

Moins mesurés que les députés, les sénateurs souhaitaient aller nettement plus loin dans les restrictions en « soumettant à autorisation d’exploitation commerciale les entrepôts principalement consacrés au commerce électronique à destination des consommateurs lorsque leur surface de plancher est supérieure à 5 000 m2 et qu’ils ne sont pas situés sur une friche. »

Entrepôt et e-commerce

« Un registre faux assimilant l’entrepôt au e-commerce », avait rapidement attaqué Diana Diziain, porte-voix de l’Afilog, l’association qui représente les secteurs de l’immobilier logistique et de la supply chain. « L’entrepôt est une usine et pas un commerce. Sa forme spatiale est beaucoup plus proche de l’industrie que du commerce », rappelait-elle, invitant les sénateurs à ne pas se tromper d’enjeux: « À travers cet amendement, les sénateurs cherchent en réalité à résoudre l’équation de l’équité entre commerce physique et vente en ligne. »

La directrice déléguée de l’association dénonçait en réalité un double amalgame, « entre e-commerce et logistique et entre Amazon et e-commerce. Ces deux raccourcis conduisent les sénateurs à relier Amazon à la logistique dans son ensemble. Rappelons qu’Amazon représente un peu moins de 1 % des surfaces d’entreposage. »

« Délogistiser » la France?

Et l’Afilog de détourner l’attention sur un autre enjeu à l’heure où, sous la présidence d’Anne-Marie Idrac et le double parrainage des ministères de l’Économie et des Transports, se structure une filière appelée France Logistique. Un objet inédit doté d’une gouvernance privée-publique, inspiré d’une des préconisations du rapport Hémar-Daher (« Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable »). Objectif de ce porte-voix auprès des pouvoirs publics des principales organisations professionnelles et « entreprises volontaires »: renforcer l’attractivité et la compétitivité de la filière pour faire revenir la France dans le top 10 mondial de la logistique. Selon un état des lieux établi par la Banque Mondiale en 2018, l’Hexagone se situerait au 15e rang dans un classement dominé par l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique.

« Comment avoir une économie forte sans une logistique très performante au service des industries, des commerces physiques ou de santé? On veut localiser ou relocaliser des activités productives, comment y parvenir sans relocaliser les stocks à proximité? On a l’impression qu’on veut « délogistiser » la France comme on a désindustrialisé le pays il y a quelques dizaines d’années », avait rappelé Diana Diziain.

Avec sa mesure incitative sur les friches exemptées d’une procédure d’autorisation, la loi avait en outre ouvert un autre front controversé: les conflits avec d’autres usages, tels que les logements, bureaux ou zones d’activité plus attractives car « plus valorisantes ». Sur ce point, l’association prône un fléchage ciblé vers des usages logistiques.

Zones à faibles émissions

Finalement, l’interdiction de créer de nouvelles surfaces de plus de 10 000 m2 sur des fonciers non bâtis sera retoquée dans la version finale. En revanche, la loi prévoit une planification du développement de tous les entrepôts par les collectivités territoriales via leurs schémas locaux SRADDET et SCOT. Aussi, les entrepôts d’une surface de 500 m2 et plus se voient désormais concernés par l’obligation de végétaliser ou de déployer des panneaux photovoltaïques sur 30 % de leurs toitures alors qu’aujourd’hui cette règle s’adresse aux 1 000 m2 et plus.

La loi Résilience et climat institue par ailleurs les zones à faibles émissions (ZFE) limitant la circulation des véhicules les plus polluants d’ici à 2025 dans les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants. Une mesure qui donne des idées à Stéphane Raison, directeur général de Haropa Port: « L’enjeu à court terme pour Haropa est de réussir la desserte de Paris avec le fluvial, rééquilibrer nos zones logistiques, et faire en sorte qu’on puisse avoir de la logistique décarbonée le plus rapidement possible. À cet égard, il y a une carte à jouer avec la mise en place des ZFE dans les grandes métropoles car elles vont redistribuer la logistique de distribution. L’idée est d’avoir des points de dépose beaucoup plus importants tout au long de l’axe seine. »

Enfin, au travers de la loi Climat et résilience, la France se fixe pour objectif de faire passer la part modale par le rail de 9 à 18 % d’ici 2030 et d’augmenter de moitié la part du trafic fluvial dans le transport intérieur de marchandises d’ici 2030. 175 M€ ont du reste été prévus dans le plan de relance pour la régénération du réseau fluvial. Les pré et post-acheminements routiers seront autorisés à 46 t contre 44 t actuellement et l’accès du secteur privé dans la gestion, la création et l’aménagement de terminaux combinés devrait être facilité.

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