Dans quel état sort la logistique automobile de cette crise sanitaire ?
Mike Sturgeon : L’industrie traverse un cycle de transformation inédit. La crise sanitaire a simplement été un accélérateur de mutations. Certes, les premiers signes se sont fait sentir en mars 2020 mais c’est surtout la pénurie de semi-conducteurs qui désorganise aujourd’hui la filière. L’énorme demande en semi-conducteurs des autres secteurs, à l’instar de la Playstation 5, affecte les constructeurs contraints de ralentir voire de stopper leurs chaînes de production. L’usine turque de Ford a fermé un mois entier et Renault a mis à l’arrêt deux usines en Espagne en juin et juillet. Nos plannings sont complètement désorganisés par les fermetures des sites de production qui ne sont pas anticipées. Le déséquilibre des flux est un scénario noir dans la logistique. Il augmente les coûts opérationnels dans un secteur très concurrentiel où les marges sont faibles.
Le modèle de distribution en concession est remis en cause. Quels en seront les impacts ?
M.S. : Le prochain règlement d’exemption de groupe de l’UE devrait conduire à une transformation du modèle de distribution des véhicules. Volvo a déjà annoncé qu’à compter de 2030 ses véhicules seront vendus directement en ligne, ce qui n’est n’est pas anodin pour les ports. Ces derniers doivent investir dans des bornes de chargement des véhicules à l’image d’ICO à Zeebrugge qui s’est équipé de plus de 100 branchements pour charger les Tesla.
Quels sont vos sujets d’inquiétude dans le transport maritime ?
M.S. : Nous sommes particulièrement inquiets quant au risque à bord des navires provoqué par les batteries électriques. Il est très difficile à circonscrire compte tenu de la forte montée en température lors de la combustion. Aujourd’hui, nous sommes associés à l’Agence européenne de la sécurité maritime au sein d’un groupe de travail pour élaborer des lignes directrices et fixer un taux de charge maximal des batteries à bord. Sans attendre la modification de la réglementation Solas en 2028, l’Europe entend légiférer sur le sujet à horizon 2023.
À quelle vitesse s’effectue la décarbonation du transport de véhicules ?
M.S. : L’industrie automobile européenne fait appel au maritime, à la route, au ferroviaire et au fluvial sur le Rhin notamment. Dans notre secteur, les critères qui comptent sont le prix du transport, les délais de livraison et la qualité, les véhicules devant être livrés sans dommages. De plus en plus, les constructeurs s’intéressent à la décarbonation du transport. Celle du ferroviaire et du routier est plus évidente que pour le maritime où le temps d’amortissement est bien plus long, de 25 à 30 ans. Quelques projets à propulsion GNL sont en cours. UECC par exemple a fait un choix hybride avec le GNL.
Propos recueillis par Nathalie Bureau du Colombier