Un répit temporaire pour les navires polyvalents

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Le manque de tonnages dans le conteneur, grand concurrent des cargaisons polyvalentes, crée un effet d’aubaine pour les navires polyvalents appelés en renfort sur la ligne régulière dans un contexte particulièrement tendu conjuguant pénurie de conteneurs et taux de fret élevés. Au-delà de l’effet conjoncturel, les transporteurs perçoivent des signes d’amélioration du marché.

Faute de grives, on mange des merles. En fin d’année, contre toute attente, les MPV s’imposaient en renforts des porte-conteneurs pour absorber une demande qui s’est littéralement emballée, portant les taux de fret dans le conteneur à leur plus haut niveau historique sur certaines liaisons.

Dans un mouvement inhabituel, le manque de capacités et les taux élevés ont poussé quelques compagnies et transitaires à affréter temporairement des navires polyvalents pour transporter des conteneurs.

Alors que les porte-conteneurs, les navires rouliers, les vraquiers et les navires polyvalents (MPV, multipurpose vessel) sont généralement en concurrence pour de nombreuses marchandises, y compris l’acier et le fret éolien, il est assez rare qu’ils soient poussés en service de conteneurs.

Pourtant, HMM, DSV et d’autres y ont eu recours. Le transporteur sud-coréen a ainsi affrété le MPV Thalia, un cargo polyvalent de 30 000 tpl et d’une capacité de 1 888 EVP pour un affrètement « temporaire » de cinq à six mois ainsi que les sisterships Hyundai Masan, Hyundai Antwerp et Hyundai Ulsan. Si l’affrètement par HMM de ces unités n’a rien d’exceptionnel, leur exploitation sur la ligne régulière l’est. La compagnie indonésienne Samudera a affrété, elle, le MPV Clio. Le groupe danois de logistique DSV Panalpina (n° 3 mondial avec 1 907 MEVP) a également opté pour trois navires polyvalents de 700 à 1 230 EVP afin de les opérer sur un service de conteneurs ad hoc entre le Danemark et la Chine.

Geodis (n° 12 mondial, 866 631 EVP) a procède en février à l’affrètement en direct d’un « premier navire » de 1 001 EVP – le conventionnel « UHL Faith » d’United Heavy Lift – pour sécuriser ses propres capacités de transport.

Exploité exclusivement par le commissionnaire de transport français, il a effectué son premier voyage le 10 janvier au départ de Shanghai et a atteint Hambourg le 28 du même mois avec 435 conteneurs de 40 pieds, les boîtes qui font tant défaut depuis de long mois.

40 % de la flotte engagée

UHL est l’une des rares compagnies dans le conventionnel à investir dans sa flotte. D’ici à la fin de l’année, elle devrait recevoir la seconde série de huit autres unités F900 (Eco Lifter) commandées au chantier naval chinois CSSC Hudong. Neuf premiers navires lui ont été livrés en 2018 et 2019. Le UHL Faith, premier du second lot, a été réceptionné en décembre dernier. Ils sont tous dédiés à des contrats d’affrètement de long terme. En décembre, le transporteur a indiqué que 40 % de sa flotte était engagée dans des contrats à long terme en 2021, y compris ses nouveaux navires.

La route maritime Asie-Europe est normalement empruntée par des porte-conteneurs d’une capacité moyenne de 18 000 EVP, jauge estimée pour absorber les coûts d’exploitation. Prendre le risque d’y affréter des navires de plus ou moins 1 000 EVP en dit long sur l’état du marché, estime le consultant Sea-Intelligence: la situation traduit, selon lui, les limites de la capacité des transporteurs maritimes sur certaines routes et le fait que « les taux de fret [des conteneurs] ont atteint des niveaux où des alternatives inhabituelles deviennent maintenant viables. »

L’engouement pour les MPV pourrait toutefois être de courte durée. Les contrats d’affrètement d’un certain nombre de porte-conteneurs, opérés par des propriétaires non exploitants (NOO, non-operating owners), arrivent simultanément à échéance, ce qui va injecter des capacités sur le marché.

Concurrence multiple

La pénurie de capacités du transport maritime par conteneurs provoque d’autres effets inattendus sur le marché du breakbulk. Elle a notamment entraîné le retrait de certains produits agricoles et chimiques du marché de la conteneurisation au profit du dégroupage. Certains transitaires ont ainsi chargé des engrais, des aliments pour animaux ou encore des produits chimiques de Xingang à Hambourg dans des big bags sur un navire polyvalent. Le transport est actuellement deux fois et demie moins cher que les prix actuels du fret conteneurisé.

Une pirouette de l’Histoire comme elle sait savamment les orchestrer. Les produits de base tels que l’acier, le bois et les produits forestiers sont passés aux conteneurs il y a une dizaine d’années, lorsque les taux de fret étaient bas et que les compagnies maritimes avaient désespérément besoin de marchandises pour rentabiliser les derniers-nés des flottes. Avec la baisse des trafics de vracs secs, et par voie de conséquence des taux de fret, des unités de type handysize ont aussi grignoté des parts de marché aux navires conventionnels.

Une nuance toutefois, Kyriacos Panayides, directeur général du transporteur MPV/HL AAL basé à Singapour, a indiqué à JOC en janvier que les MPV adaptés aux conteneurs – c’est-à-dire ceux qui sont capables de transporter une proportion relativement importante de boîtes sans aucune modification – sont peu nombreux.

Pour autant, le transporteur semble confiant quant à la demande de fret en 2021, notamment parce que la concurrence du porte-conteneur est moins vive pour les cargaisons polyvalentes dans la mesure où le roi des mers se recentre sur ce pour quoi il était prédestiné: le transport de boîtes.

AAL ne désespère pas non plus de voir certains chargeurs d’acier revenir à un mode de transport breakbulk. L’opérateur singapourien comme son concurrent le sino-polonais Chipolbrok exploitent tous deux des MPV de 30 000 tpl dans le cadre de services de ligne mondiaux, ainsi que d’autres navires pour des services d’affrètement partiel et de tramp. Mais ces transporteurs sont confrontés à un déséquilibre chronique des cargaisons au départ des États-Unis vers la Chine et l’Asie, alors même que l’opérateur sino-polonais a affrété six navires pour compléter sa propre flotte de 14 navires. Chipolbrok a lancé une ligne entre l’Amérique du Nord et le Japon dans la perspective de transporter des cargaisons énergétiques, industrielles et manufacturières de marchandises diverses et de projets.

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