Côte est, côté ouest, le match

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Deux océans, deux destins. « Nous avons été frappés de deux coups. Le premier est la politique tarifaire malavisée de Washington. Le second est cette pandémie prolongée avec des implications économiques que nous n’avions pas connues depuis la Grande Dépression. » Les propos ont été prononcés en mai par Gene Seroka, qui exerce la double fonction de directeur exécutif du port de Los Angeles et de responsable de la logistique du maire de Los Angeles.

Mais les « deux coups » ont en réalité frappé diversement les deux côtes est et ouest américaines dans un mouvement de balancier entre Atlantique et Pacifique. Les changements dans la supply chain provoqués par la guerre commerciale avec la Chine – déplacement de la production mondiale vers les pays d’Asie du Sud-Est et de l’Ouest et reconfiguration des flux maritimes –, ont plutôt profité jusqu’à présent aux ports de la côte Est. La seconde partie de l’année semble, elle, se profiler de façon plus favorable pour les ports ouest-américains. À l’ère du Covid, la côte Ouest s’empare d’une plus grande part des importations américaines, du moins temporairement.

Des taux aux trajectoires opposées

D’un côté, les taux de fret pour les exportations asiatiques traversant le Pacifique atteignent des sommets inviolés (le coût par EVP pour expédier un conteneur d’Asie vers la côte ouest a plus que doublé entre mars et août) alors même que l’offre s’étoffe, les transporteurs ayant à la fois restauré nombre des traversées qu’ils avaient annulées et ajouté des navires supplémentaires. De l’autre, les taux pour les exportations européennes traversant l’Atlantique est en baisse alors même que la capacité de la flotte s’affaisse, épousant la faiblesse de la demande de transport.

Déclarations douanières multipliées

Les importateurs américains s’approvisionnant en Asie auraient ainsi opté pour des transits plus rapides vers la Californie au détriment de la plus longue route via le canal de Panama vers les ports de la côte atlantique. Dans le même temps, la récession européenne réduit encore la part de la côte Est.

Le changement de cap est manifeste si l’on considère le nombre quotidien de déclarations douanières pour les importations maritimes, qui a presque quadruplé à Long Beach et doublé à Los Angeles alors qu’il est stable à New York et en baisse de 2 % à Savannah en Géorgie.

Cette poussée d’activité dans les ports de la côte ouest trouve son origine dans l’arrêt prolongé de l’économie, contraignant les entreprises à vivre de leurs stocks, qui se sont épuisés au fur et à mesure de la reprise de la demande. Les reconstituer a conduit à des importations record cet été dans le plus grand port à conteneurs des États-Unis, Los Angeles.

« Les importations américaines se comportent comme un yo-yo, en hausse un mois et en baisse le mois suivant, sans cause apparente qui puisse indiquer de manière réaliste un effondrement ou une reprise de l’économie », constatait en août Ben Hackett, fondateur de Hackett Associates, qui publie un baromètre pour le compte de la puissante fédération des détaillants américains*, la National Retail Federation (NRF).

Yo-yo

Les importations dans les principaux ports américains ont en effet atteint des niveaux élevés cet été après un premier semestre en baisse de plus de 10 % par rapport au même semestre de 2019 avec 9,5 MEVP. Elles ont été surtout supérieures à ce qui avait été prévu par la NRF: 1,92 MEVP en juillet (– 2,3 % par rapport à l’année précédente, mais + 19,3 % par rapport à juin), 2,06 MEVP estimé en août, soit une augmentation de 6 % par rapport à l’année précédente, et 1,89 MEVP estimé en septembre, ce qui marquerait encore une légère croissance de 1,1 %.

Les trois derniers mois de l’année se présentent moins favorablement: 1,71 MEVP en octobre, 1,58 MEVP en novembre, 1,53 MEVP en décembre. Si ces estimations s’avéraient, elles marqueraient alors un repli de 9,2 %, 6,8 % et 11 % respectivement. Octobre devrait être cette année le mois le plus chargé de la « saison de pointe », de juillet à octobre pour le transport maritime. Novembre et décembre sont des mois traditionnellement difficiles, la majeure partie des marchandises de Noël ayant été livrées. Selon les informations disponibles, l’année 2020 se solderait par un recul de 6,7 %, à 20,1 MEVP. Ce serait le plus faible exercice depuis les 19,1 MEVP de 2016.

In fine, Los Angeles avait totalisé 4,6 MEVP à l’issue du premier semestre, soit une baisse de 15,3 % par rapport à 2019. Son voisin de Long Beach a enregistré un repli moindre, de 6,9 % par rapport au premier semestre 2019, à 3,4 MEVP. Fin juin, le complexe portuaire de la baie de San Pedro – où chaque traversée annulée le prive peu ou prou de 400 000 $ de recettes –, avait encaissé 104 annulations.

Bien que tous les ports à conteneurs de la côte Est des États-Unis – Boston, New York-Newark, Norfolk, Charleston, Savannah et Miami –, n’aient pas tous encore délivré leurs volumes de conteneurs pour le premier semestre, les statistiques de janvier à juin montrent une perte globale de 8,4 % d’une année sur l’autre (8,47 MEVP versus 9,25 MEVP pour la même période en 2019). Par rapport à la côte Ouest des États-Unis, où les volumes ont chuté de 14 % au cours du premier semestre, les ports de la côte Est s’en sortent donc mieux.

Pour certains, la chute est cependant rude, à l’instar de New York-Newark (3,37 MEVP, – 7,9 %), Norfolk (1,27 MEVP, – 10,9 %), Charleston (1,10 MEVP, – 9,2 %) et Savannah, (2,09 MEVP, – 7,2 %).

Un accord commercial en arbitre

Reste à voir comment vont évoluer les relations commerciales entre les deux puissances marchandes. Depuis mars 2018, Pékin et Washington s’infligent réciproquement des droits de douane sur des centaines de milliards de dollars d’échanges annuels. Dans le cadre de l’accord signé en janvier dernier, la Chine s’est engagée à accroître ses achats de produits et services américains de 200 Md$ sur deux ans. Les États-Unis ont accepté de revoir leurs taxations sur 120 Md$ d’importations chinoises annuelles.

« La première phase de l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine prévoit 36,5 Md$ d’exportations agricoles des États-Unis vers la Chine en 2020. Le ministère américain de l’agriculture estime qu’en septembre, il n’y avait que 8 Md$ engrangés », indiquait l’autorité portuaire de Los Angeles, lors de la présentation de ses données semestrielles.

* Données fournies par Global Port Tracker pour les ports américains de Los Angeles/Long Beach, Oakland, Seattle et Tacoma sur la côte ouest; New York/New Jersey, Port of Virginia, Charleston, Savannah, Port Everglades, Miami et Jacksonville sur la côte est, et Houston sur le golfe du Mexique.

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