Pendant les six premiers mois de 2020, le trafic des ports de commerce espagnols a reculé de 11 %, à 248 Mt. Ce résultat masque une évolution favorable au cours de la période récente: le chiffre du mois de juin affiche un repli de 14 % par rapport à juin 2019, mais souligne aussi une amélioration par rapport à mai où le recul était de 25 %. Les chiffres partiels disponibles pour juillet et août confirment le phénomène. Le trafic se situe, pour l’instant, entre le scénario optimiste pour l’ensemble de 2020 (– 10 %) et le scénario intermédiaire (– 16 %) de Puertos del Estado, l’organisme de tutelle des ports espagnols, mais loin du scénario pessimiste (– 22 %). En Espagne, le sentiment général est que le pire a été évité.
Il n’empêche, le Covid-19 a accentué un changement de tendance. Le trafic avait diminué de 4,5 % pendant le 4e trimestre de 2019 et n’avait progressé que de 0,3 % en année pleine, avec 552 Mt. Le retournement est donc net par rapport à 2018 (+ 3,4 %) et à 2017 (+ 7,4 %). Le long cycle de croissance du trafic portuaire espagnol est bel et bien terminé.
De 17,4 à 8 MEVP
Le panorama portuaire masque cependant de grandes disparités. Les grands ports de Méditerranée tirent leur épingle du jeu en reflet des stratégies des compagnies maritimes qui ont concentré leur activité sur les hubs en utilisant des navires de grande taille. Algésiras en est le meilleur exemple puisque le trafic total n’a baissé que de 3 % pendant le 1er semestre de 2020 (51 Mt) grâce à la bonne résistance des conteneurs (– 1,5 %, 2,5 MEVP). Mesuré en boîtes pleines, le trafic hors transbordement affiche un recul à l’export de 9 %, mais une hausse à l’import de 4,5 %. À la faveur de la crise, le port andalou fait jeu égal avec Valence dans les conteneurs et devrait même reprendre la tête du classement sur l’ensemble de l’année. Sa première place en Espagne pour le trafic total sera maintenue (105 Mt en 2019).
Barcelone est dans un registre différent. Le recul global des conteneurs pendant le 1er semestre (– 20,5 %, 1,4 MEVP) est imputable principalement au transbordement (– 31 %, 0,5 MEVP), un trafic très volatil en temps de crise dans le port catalan. Les importations de conteneurs pleins ont fléchi de 15 %, mais les exportations n’ont glissé que de 3 % grâce à la bonne tenue des flux vers la Chine et le Moyen-Orient. À Valence, le transbordement n’a diminué que de 5 % (1,4 MEVP) mais les flux ont baissé plus nettement à l’export (– 11 % en conteneurs pleins) comme à l’import (– 12 %).
Au total, le trafic de conteneurs dans les ports espagnols a régressé de 10 % sur le premier semestre, à 8 MEVP. Il avait atteint 17,4 MEVP en 2019.
Deux trafics victimes de la pandémie
La situation est en revanche bien plus compliquée dans le conventionnel (– 17 % sur six mois, 34 Mt). L’automobile, un trafic clé dans plusieurs ports espagnols (Barcelone, Valence, Santander et Vigo notamment), est en chute libre (– 39 %), alors qu’il avait déjà baissé de 3,6 % en 2019 et stagné en 2018 (+ 0,3 %). Mais la crise a aussi durement touché les trafics industriels comme, par exemple, celui des produits sidérurgiques à Bilbao avec plus de 100 000 t perdues pendant les six premiers mois de l’année.
Les vracs secs sont une autre victime de la pandémie avec un net repli (– 19 %, 37 Mt) qui s’ajoute à celui constaté en 2019 (– 11 %, 91 Mt). Transition énergétique oblige, les importations de charbon se sont effondrées, de 83 % par exemple à Tarragone (0,25 Mt). Les vracs liquides affichent une moindre chute de 7 % (86 Mt), une performance qui s’explique par la bonne tenue des importations de GNL (+ 21 % à Bilbao pour 1,8 Mt; + 19 % à Sagonte pour 0,5 Mt; etc.).
Un agenda politique
Si les ports espagnols ont réussi à éviter un effondrement du trafic, du moins jusqu’ici, au ministère des Transports, on insiste sur l’importance de ne pas se « reposer sur ses lauriers », en raison de la crise et de l’intensification de la concurrence en Méditerranée. Comprendre: il reste beaucoup à faire en matière de compétitivité. D’où l’importance du « plan stratégique » en cours d’élaboration (cf. ci-contre). La finalisation de l’accord-cadre de la manutention portuaire, la convention collective du secteur, est aussi très attendue. Elle devrait ouvrir la voie à la signature des accords dans les ports. Enfin, le gouvernement a promis pour cet automne la présentation du projet de loi de réforme de la législation portuaire espagnole.
Trafic
2019
552 Mt (+ 0,3 %)
1er semestre
248 Mt (– 11 %)