Dans quel état les entreprises que vous représentez sortent-elles du confinement?
Didier Léandri: Malgré le confinement, les transporteurs fluviaux ont continué de se mobiliser pour assurer l’approvisionnement de première nécessité, au premier rang desquels les produits alimentaires et énergétiques, mais aussi les produits sensibles qui ne pouvaient pas prendre la route, ou encore l’évacuation des déchets et leur valorisation. Plusieurs grandes filières industrielles ou commerciales ont également maintenu a minima leur activité de production pendant la crise: sans le fluvial ou le ferroviaire, c’est leur activité toute entière qui se serait arrêtée. L’économie du conteneur au départ de nos grands ports maritimes pèse aussi massivement sur le fluvial. L’activité, qui a connu des baisses de volume très importantes, de l’ordre de 40 % au plus fort de la crise, reprend progressivement avec des points de vigilance sur les conteneurs et les céréales notamment, ainsi que sur la concurrence routière, renforcée par la baisse du prix du gazole.
Quelle vision portez-vous à moyen et long terme?
D.L.: La crise a stoppé net la reprise amorcée au second semestre mais n’efface pas la tendance porteuse de la filière logistique. En revanche, il est clair que la priorité des entreprises va se porter sur la reconstitution de leurs fonds propres dans les 18 mois à venir au moins et les conduire à remettre en cause temporairement les investissements qu’elles envisageaient.
Pensez-vous que la pandémie va servir d’aiguillon à de nouvelles orientations dans le transport maritime et fluvial?
D.L.: La crise a révélé l’interdépendance des acteurs au sein des chaînes de valeurs, la dépendance à l’international et le lien étroit entre sécurité sanitaire et développement durable. Les ambitions en matière de transport durable doivent maintenant être renforcées, en jouant la carte de l’indépendance logistique, pour permettre à nos entreprises de rebondir. Cette relance doit s’appuyer sur un ancrage territorial avec des circuits courts, des partenariats de filières, un pavillon français conforté et des emplois locaux. Le niveau de priorité accordé par les politiques publiques au transport fluvial, qu’il s’agisse de l’infrastructure, du verdissement ou des mesures de régulation en faveur du report modal, doit être réévalué. À cet égard, je rappelle qu’au travers de son plan de relance économique, le secteur s’est donné deux ans pour rebondir. Dans la logistique, il faut gagner dix points de compétitivité et faire économiser 1 Mt de CO2 à la filière transport.
* L’organisation professionnelle rassemble bateliers et armateurs fluviaux, actifs tant dans le domaine des passagers que du transport de marchandises.