« Rouen est au cœur de l’Axe Seine, et c’est la logistique qui va maintenant lui apporter le fret » estime Laurent Foloppe, directeur commercial du GIE Haropa. Il insiste notamment sur l’avantage que constitue pour les logisticiens les franchises locales de stationnement des boîtes (18 jours en moyenne). « Un moyen idéal de les soustraire aux surestaries » confirme Guillaume Vidil, directeur général du groupe Marfret. Depuis plusieurs décennies, l’armement marseillais est un acteur très impliqué à Rouen. En octobre dernier, il lançait une navette ferroviaire hebdomadaire, d’une capacité de 72 EVP, entre le Terminal conteneurs et marchandises diverses (TCMD) de Grand-Couronne-Moulineaux (port de Rouen) et Bonneuil-sur-Marne (ports de Paris). Elle permet d’accéder directement au réseau couvrant l’Est et le Sud-Est de la France et de l’Europe.
Opérée par la filiale de Marfret, Fluvio Feeder Armement, elle vient compléter l’offre de la compagnie marseillaise, bâtie depuis une décennie sur les services réguliers fluviaux, par barges vers l’amont (Gennevilliers) et au moyen du feeder maritime Lydia (390 EVP) vers le terminal Port 2000 du Havre. « Ce dernier peut d’ailleurs être utilisé vers d’autres destinations, comme cela a récemment été le cas sur Dunkerque en cette période de mouvements sociaux dans les ports », indique Xavier Rose, responsable du service Fluviofeeder.
« Nous avons mis dix ans pour devenir armateur fluvial et nous abordons un nouveau métier », reconnaît Guillaume Vidil, qui voit dans la logistique « une activité de diversification ». Avec Fluviofeeder Maritime, il dispose à Rouen d’un hub confortant une approche multimodale sur l’ensemble de l’axe Seine, d’autant plus intégré qu’il a repris le manutentionnaire Somap et qu’il dispose d’un entrepôt pilote de 10 000 m2 sur la plateforme logistique RVSL attenante au TCMD. Le fret est ainsi stocké « puis acheminé par le mode de transport le plus pertinent au fur et à mesure des besoins du client ».
Test fluvial pour du ciment
En octobre dernier, le cimentier Eqiom, filiale du groupe irlandais CRH, l’un des spécialistes mondiaux des matériaux de construction (ciment, béton, granulats), a testé, pour sa part, pendant trois semaines la faisabilité technique et économique d’un projet de transport intermodal de ciment depuis son site de production implanté en bord à quai à Grand-Couronne vers ses clients d’Île-de-France via la plateforme multimodale de Gennevilliers. L’industriel, qui cherche une alternative à la route pour un flux hebdomadaire allant jusqu’à 25 conteneurs de ciment en vrac, a expérimenté l’une des navettes fluviales régulières entre Le Havre et Gennevilliers. En l’occurrence, une barge Greenmodal Transport.
Face à la congestion routière de la région francilienne et aux objectifs de réduction de son empreinte carbone, l’industriel veut aller plus loin et évoque un potentiel annuel de report modal vers le fluvial de 35 500 t de ciment, soit l’équivalent d’environ 1 800 camions et près de 150 t de CO2 économisées.
Sur des volumes beaucoup plus importants, « les transports massifiés de Sénalia [qui assure plus de la moitié des exportations céréalières rouennaises, NDLR] pour l’approvisionnement de nos silos ont progressé de 4 points à 45 % durant la campagne 2018/2019. Ils profitent du dynamisme de la voie d’eau qui représente maintenant 72 % des transports massifiés et 32 % des entrées, le chemin de fer se situant à 16 % » se réjouit Gilles Kindelberger, son directeur général.
Les perspectives sont plus sombres pour l’approvisionnement sucrier du silo d’exportation Robust de Sénalia. SNCF Réseau, Haropa, la Région Normandie avaient pourtant investi dans la réhabilitation de la voie ferrée Etrepagny-Pont-de-l’Arche (2,4 M€). Mais le fabricant allemand Südzucker (dont Saint-Louis Sucre est une filiale depuis 2001) a finalement mis fin à son contrat d’utilisation de cet outil.
En 2019, les terminaux rouennais établis au fil de la Seine ont traité une masse de 23,5 Mt de fret maritime (+ 2,5 %) alimentant d’autres flux, 5,4 Mt pour le fluvial (+ 2,4 %) et 1,8 Mt pour le ferroviaire (+ 23 %), tous deux liés à son pré– ou post-acheminement terrestre.