Deux événements majeurs ont récemment animé les terminaux conteneurisés du plus grand port de Pologne. Le premier est l’escale inaugurale de l’actuel plus grand porte-conteneurs au monde, le MSC Gülsün, sur le service Silk/AE10 de l’alliance 2M. Le navire à 24 rangées de conteneurs en pontée atteste en soi de la capacité du port polonais à traiter d’importantes volumétries sur une escale hebdomadaire. C’est d’ailleurs le seul de la mer Baltique à être intégré à un service Europe-Asie. L’autre a eu lieu le 21 novembre dernier avec le lancement du premier service régulier de train massifié entre le DCT marine terminal et Xi’an en Chine. Alors, Gdansk, futur port-pivot entre les marchés européens, baltes et asiatiques, en concurrence (ou en complémentarité logistique) du grand rival allemand d’Hambourg ? L’analyse décennale des manutentions conteneurisées met en perspective un changement d’échelle pour le port polonais. En effet, le trafic conteneurisé de Gdansk a été multiplié par 10 lors des 10 dernières années, passant de 185 000 EVP à près de 1,95 MEVP en 2018. Le port est désormais au second rang régional derrière Saint-Pétersbourg et concurrence fortement Göteborg, qui a longtemps profité de sa localisation à l’extérieur des détroits danois et de son antériorité, mais dont le rang et le trafic reculent. Les ports du golfe de Gdansk dans leur ensemble (avec Gdynia) pointent au premier rang avec plus de 2,5 MEVP en 2018.
Gdansk a bénéficié des investissements de PSA dans le principal terminal Deep Sea Container Terminal (DCT) qui assure à lui seul près des deux-tiers du trafic conteneurisé polonais. L’effet 2M explique également sa vive croissance qui bénéficie ainsi d’un report de trafic d’autres ports régionaux comme Klaipeda.
Force est de constater que les ambitions portuaires de Gdansk concrétisent une forme de translation du centre de gravité logistique vers l’extrémité orientale du range portuaire nord-européen. L’ambition avérée est triple. Il s’agit de desservir le pourtour balte avec les meilleurs temps de transit, tant depuis les services maritimes massifiés qu’avec les rotations ferroviaires eurasiatiques ; de s’imposer comme le port gateway d’une Europe centrale et orientale connectée aux marchés russophone ; et, enfin, pourquoi pas, de devenir à moyen terme un « Hambourg-bis » avec une accessibilité nautique et des maillages terrestres multimodaux qui tireront profit de la compétitivité et de l’attractivité d’une zone portuaire élargie, incluant le voisin de Gdynia.
À moyen terme, le duo concurrent Gdansk-Gdynia pourrait aspirer à devenir un véritable « twin port » à l’instar de Los Angeles-Long Beach. Un écosystème puissant combinerait alors les ambitions politiques de l’État polonais, les intérêts des puissants manutentionnaires asiatiques, le déploiement des tractionnaires ferroviaires internationaux, le positionnement des investisseurs logistiques. Tout ce que Hambourg propose déjà mais sans les contraintes nautiques de l’Elbe, les coûts du foncier et la pression métropolitaine.