En moins de dix ans, la capacité des ports du Royaume-Uni s’est considérablement accrue. En effet, nombre d’exploitants de terminaux privés se sont mis en tête de se doter d’installations plus grandes et mieux équipées afin d’attirer la dernière génération de navires porte-conteneurs. Une grande partie de la croissance s’est opérée dans les principaux ports à conteneurs du Sud du pays – Felixstowe, Londres et Southampton – qui ont traditionnellement accaparé la grande majorité des volumes de conteneurs. Mais des investissements importants ont également été réalisés plus au nord – Hull, Immingham et Teesside sur la côte est, Liverpool à l’ouest – avec l’ambition de détourner les escales de la région du sud-est du pays, de plus en plus congestionnée, autour de Londres. Avec une offre capitalisant sur leur géographie : liaisons par camion ou train plus courtes vers les centres industriels, au nord du pays et en Écosse. Jusqu’à présent, ces efforts ont été largement infructueux. Mais une faille s’est ouverte au début de 2018 lorsque l’alliance 2M de Maersk et MSC a choisi de rendre permanent le transfert jusque là temporaire de la liaison transatlantique TA4 du Royaume-Uni. Un de ses services est ainsi passé de Felixstowe à Liverpool. Depuis, OOCL, Yang Ming et W.E.C. Lines ont également confirmé le port du nord de l’Angleterre en tant qu’escale de leurs services.
Changement de donne
La prise de contrôle opérationnelle, début novembre, par MSC en joint-venture avec Peel, du terminal en eaux profondes de Liverpool2 change quelque peu la donne. Cette décision a été commentée par les observateurs comme un signe que la suprématie et l’invincibilité des ports du sud, en tant que portes d’entrée privilégiées vers le Royaume-Uni, s’effritent. Et ce, d’autant plus que le Brexit, qui menace de perturber le trafic du fait de la congestion aux frontières, risque de pénaliser Douvres, le hub roulier européen le plus fréquenté, créant à son tour des perturbations sur les routes autour de Londres et au sud. Certains indicateurs en attestent. Des chargeurs ont déjà pris leurs dispositions en se tournant vers d’autres routes pour éviter la Manche, privilégiant des services tels que les ropax de P&O Ferries sur les lignes Zeebrugge-Hull et Zeebrugge-Teesport. En septembre, afin d’éviter Douvres, P&O a également annoncé le lancement d’un nouveau service quotidien de ferry pour le fret entre Calais et Tilbury. Ainsi, Douvres a enregistré un peu moins de 2,5 millions de camions en 2018, son plus bas niveau depuis 2014. Reste à savoir s’il y aura un transfert modal du trafic roulier vers le trafic de remorques non accompagnées, afin de minimiser les temps d’arrêt des chauffeurs, ou vers les cargaisons conteneurisées elles-mêmes. Simon Bird, directeur de la région de Humber pour Associated British Ports (ABP), estime pour sa part que de plus en plus de cargaisons ro-ro pourraient être acheminées par conteneurs. « Il est plus facile d’expédier un conteneur que de traiter un camion, souligne-t-il. Vous pré-dédouanez. C’est à portée d’un clic. »
L’alternative au nord, en marche
Ces deux dernières années, le nombre de services de transport maritime reliant Hull et Immingham aux ports continentaux a augmenté de plus de 30 % grâce à de nouveaux départs d’Amsterdam et de Gand et à l’introduction de services de feeders au départ de Hull. Entre-temps, plus au nord encore, Tyne offre désormais des services réguliers de feeders exploités par BG Freight Line et Unifeeder reliant South Shields à Rotterdam, Grangemouth, Felixstowe et le reste du monde. « Vous ne trouverez pas de congestion en mer du Nord, affirme une publicité du port, et en vous rapprochant de votre destination finale, vous pouvez réduire considérablement le trajet routier. » Tyne, Hull, Teesport et Liverpool se sont fédérés en 2016 au sein d’une association. Tout en mettant en exergue la domination de leurs homologues du Sud et la congestion routière qui en résulte pour les cargaisons à destination et en provenance du nord du Royaume-Uni, l’Association promeut la coopération sur les côtes Est et Ouest pour parvenir à une logistique plus fluide. « Le Nord a le potentiel pour être une véritable porte d’entrée couvrant les deux côtes, surtout à un moment où nos relations commerciales futures ne sont pas claires », assure Mark Whitworth, le PDG de Peel Ports Liverpool. « La vision que nous portons s’appuie sur une série de hubs multimodaux et d’échangeurs stratégiques de fret ferroviaire, soutenus par un super-corridor de fret Est-Ouest, reliant le trafic atlantique au continent européen ».