Le concept n’est pas nouveau mais les applications ne sont pas légion. Le modèle tutélaire en termes d’écologie industrielle demeure l’écoparc de Kalundborg, nom d’une petite ville portuaire danoise. Là, depuis cinq décennies, des industriels, des entreprises, la collectivité s’échangent des utilités et valorisent de nombreux flux. Depuis, des « Kalundborg » ont un peu essaimé dans le monde.
Les motivations sont relativement consensuelles : réaction ou anticipation d’une problématique d’approvisionnement, coût des déchets ou leur raréfaction… « En 2014, l’Homme a extrait du sol les dernières réserves de terbium qui sert à la fabrication des écrans à rayons X », alertait cette année-là l’Institut de l’économie circulaire, fondé par François-Michel Lambert, alors député EELV des Bouches-du-Rhône. D’après les prospectives, l’extinction de l’indium, du palladium et du zinc est programmée pour 2023, celle de l’or pour 2025, du plomb pour 2030, du cuivre pour 2039 et du nickel pour 2048. Le fer dispose d’un sursis jusqu’en 2070.
Sur le papier, le concept est séduisant. Les déchets (re)deviennent des ressources (recyclage), qui elles-mêmes deviennent des « produits », lesquels sont conçus dès l’origine pour être réutilisés (écoconception), à partir de matériaux en permanence régénérés pour être réinjectés dans la chaîne (réutilisation) et où les utilités sont partagées entre acteurs économiques…
Un process sans fin
Sur le terrain, il reste difficile de rompre avec le modèle de production et de consommation basé sur le principe « extraire-produire-consommer-jeter ».
Les freins demeurent nombreux, d’ordre technique, réglementaire, économique, politique. L’écologie circulaire n’est pas aidée, ni par une fiscalité incitative, ni par la commande publique (incluant encore trop rarement des critères de circularité dans ses appels d’offres), ni par les aberrations écologiques tenaces (obsolescence programmée, néanmoins punie par la Loi de transition énergétique).
En France, l’économie circulaire a pris son temps dans l’arsenal législatif. Toutefois, la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte en 2015 lui a dédié un chapitre, définissant la notion et fixant des objectifs. Depuis, des États généraux, des assises et des appels à manifestation d’intérêt (Ademe) ont été initiés. Les démarches se multiplient. Oree, réseau national de référence sur ces thématiques, les recense. Dunkerque loge la plus ancienne.
En tant que hub industriel, plateforme de toutes les énergies, lieux de stockage, centre de production de certains sous-produits (sédiments de dragage, laitiers de haut-fourneau), etc., les ports apparaissent comme des terrains idéaux d’expérimentations.
« D’ici une décennie, il y a fort à parier que les ports seront devenus les nœuds énergétiques planétaires. Ils auront mûri les opportunités de la transition énergétique, de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle pour façonner le nouveau paradigme de l’économie verte. Les grands ports du monde éclaireront et chaufferont les plus grandes métropoles littorales de la planète en utilisant les déchets comme sources d’énergie. Ils seront la base arrière logistique de l’éolien offshore. Ils orchestreront la mutualisation des réseaux de chaleur dans des circuits intégrés au service des industriels et logisticiens. L’évaluation de leur efficacité environnementale pourra même donner lieu à de nouveaux classements mondiaux, ou` les tonnages et les conteneurs ne représenteront plus les seuls étalons de la croissance. La qualité énergétique et la capacité a` faire plus avec moins changeront leur modèle économique et fiscal », s’enflamme un travail prospectif réalisé par la fondation Sefacil en 2015
*Histoires courtes maritimes et portuaires, EMS