Alors que le monde du transport maritime se débat entre surcapacité et faiblesse des taux de fret, la croissance très dynamique du conteneur reefer, historiquement positionné sur les marchés des produits tropicaux, est une bonne chose pour toute l’industrie, assure Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar). « Il n’est plus un produit de niche. Les taux de fret sont positifs et l’équipement augmente pour répondre à la forte demande des États-Unis et de l’Europe, mais aussi de la Chine. Son développement s’accompagne d’une hausse de la valeur ajoutée, avec l’exigence accrue de remontée d’informations de la part des acteurs de la chaîne logistique », expliquait-il à l’occasion de la 3e édition de Transport International Pharma Seminar (TIPS), événement organisé à Tours fin novembre par le Pharma Logistics Club sur le thème « Conformité et compétitivité du laboratoire grâce au transport ».
Dans le transport maritime frigorifique, les navires reefers, dont la flotte accuse 27 ans d’âge moyen, ne cessent de perdre des parts de marché par rapport aux porte-conteneurs. Ils ne représentent plus que 18 à 20 % des transports frigo et seront à 14 % dans trois ans, selon CMA-CGM, qui déclare détenir 12 % du parc mondial de conteneurs reefers. Parallèlement, la demande de transport maritime réfrigéré augmente. Elle était de 106 Mt en 2015. Elle est attendue à 130 Mt en 2020, selon CMA CGM. L’armateur de porte-conteneurs fait partie des transporteurs qui se sont positionnés franchement sur cette demande. Il a même lancé en mai dernier un service Reefer Pharma, une offre dédiée au transport de produits pharmaceutiques par conteneurs réfrigérés.
Problème de disponibilité
L’augmentation de 7 % du nombre de conteneurs reefers en 2018 et de 70 % au cours des dix dernières années ne suffit donc pas à assurer tous les transports.
La question de leur disponibilité va se poser dans les prochaines années de façon aiguë, assure Stéphane Nielsen, directeur reefer de CMA-CGM : « En 2019, les compagnies maritimes ont commandé 135 000 boîtes neuves réfrigérées, dont 16 000 pour CMA-CGM. La capacité de production des fabricants est de 160 000 à 190 000 conteneurs par an, alors qu’il en faudrait 300 000 pour répondre à l’augmentation de la demande. » D’autant qu’avec la fièvre porcine africaine, explique Stéphane Nielsen, la Chine va devoir importer massivement de la viande, ce qui augmente de 160 000 le nombre nécessaire. « Les retours seront à vide car ce pays exporte peu en mode frigorifique. Pour répondre à la demande, nous devons accélérer le rythme de rotations pour augmenter le nombre de voyages, qui est aujourd’hui de 3,9 par an. Que ce soit pour Conakry ou Shanghai au départ de la France, le temps total d’utilisation du conteneur est de 78 jours alors que le transit-time est le double pour Shanghai. » En cause, le free time demandé par les chargeurs pour tenir compte du passage en douane et du repositionnement.
L’augmentation du nombre de rotations annuelles de chaque boîte se heurte aussi aux exigences de préparation avant empotage, par exemple de la part de l’industrie pharmaceutique qui constitue une nouvelle clientèle, avec des exigences précises quant à la propreté ou l’âge du conteneur.
Pas sans risques
Or la sélection d’un conteneur récent, propre et sans odeur, et sa configuration selon les réglages demandés peuvent retarder la rotation des boîtes et, ce faisant, limiter leur réutilisation immédiate ou générer des repositionnements.
Le transport de conteneurs reefers n’est pas sans risques. Ils existent en mer, ce qui nécessite une formation du personnel à la réparation des pannes les plus courantes. Il sont aussi présents à terre. « Le risque principal est l’attente avant branchement lors de l’arrivée du conteneur sur le terminal, explique Hugues Houzé de l’Aulnoit, directeur d’Intramar, qui exploite Med Europe Terminal à Marseille. Il peut aussi y avoir une mauvaise température indiquée lors du branchement, ou encore un conteneur oublié sous palan. Le délai peut atteindre 30 minutes entre le débranchement du camion et le branchement sur le terminal, voire une heure avant le branchement à bord du bateau, mais ces délais sont difficiles à vérifier. »
À Marseille, où 100 000 conteneurs reefers ont été traités en 2018, soit une augmentation de 50 % en cinq ans, une charte a été signée en 2018 pour leur manutention en cas de grève. Elle a été mise en place deux fois en deux ans, empêchant ainsi qu’un reefer ne reste sans alimentation électrique.
Étienne Berrier