Plus écologique, plus ponctuel, moins soumis à un carcan réglementaire, l’acheminement ferroviaire de marchandises vers l’hinterland est en grâce aux Pays-Bas. Le pays vise à faire passer la part de son report modal ferroviaire à 30 % en 2030. L’annonce de CMA CGM du lancement de sa liaison ferroviaire Rhine Valley Rail entre Rotterdam et l’hinterland allemand témoigne de l’effervescence ambiante. De fait, l’afflux d’opérateurs à Rotterdam qui multiplient les liaisons ferroviaires vers les quatre coins de l’Europe ne se dément pas depuis des mois.
CMA CGM s’associe dans sa nouvelle aventure pour desservir l’arrière-pays allemand avec l’opérateur TFG, un spécialiste du transport conteneurisé de l’arrière-pays des ports allemands. L’entrée en exploitation de la liaison Rhine Valley Rail, avec un premier départ de train à Dortmund, est fixée au 18 octobre. Six liaisons hebdomadaires sont au programme pour rallier les hubs intérieurs allemands de Dortmund, Duisburg et Ludwigshafen.
À Rotterdam, les trains feront escale dans trois terminaux différents (Euromax, RWG et ECT) et les horaires des trains seront synchronisés avec les arrivées et les départs des navires CMA CGM. « Ces nouvelles liaisons confirment notre ambition d’offrir des solutions intermodales flexibles à nos clients, dont le transport terrestre », a indiqué Peter Wolf, directeur de CMA CGM pour l’Allemagne. Rodolphe Saadé, qui a succédé à son père il y a deux ans, a fait du door-to-door un des piliers de la stratégie du groupe.
CoolRail
Plus récemment, l’opérateur multimodal néerlandais MMR (Multi Modal Rail) a annoncé une liaison conteneurisée avec la ville alsacienne de Ottmarsheim, assurée deux fois par semaine. Il complète ainsi son maillage après sa liaison Strasbourg (2 fois par semaine) et vers Bâle (3 fois).
Cet été, c’est l’exploitant ferroviaire de référence allemand Boxxpress (670 000 EVP transportés en 2018) qui est entré en service à Rotterdam avec un premier train de conteneurs reliant trois destinations outre-Rhin. Boxxpress a prévu de desservir trois fois par semaine les centres de logistique de Kornwestheim DUSS, Munich DUSS et Worth Contargo.
En mai, CoolRail, une nouvelle liaison ferroviaire directe dédiée aux produits frais, a été lancée entre Valence et Rotterdam trois fois par semaine. Une extension du réseau est prévue avec de nouvelles connexions vers l’Allemagne, la Scandinavie et le Royaume-Uni.
En avril, PCC Intermodal, l’un des leaders polonais du transport intermodal (100 000 EVP manutentionnés par an) a étoffé la fréquence de son service ferroviaire à partir de Rotterdam vers l’Allemagne et la Pologne. Désormais, il assure des liaisons huit fois par semaine à destination de terminaux de Francfort-sur-l’Oder, Kutno, Brzeg Dolny, Gliwice, Kolbuszowa et Poznan.
Voici quelques mois, le terminal ferroviaire Euroterminal à Coevorden (Sud des Pays-Bas) a lui aussi augmenté la fréquence de ses liaisons avec Rotterdam où il dessert quatre terminaux majeurs (ECT Delta, APMT2, Euromax et RSC). Ville névralgique en ce qui concerne l’hinterland, Coevorden est relié par le rail à 21 centres économiques européens. Il existe entre autres trois liaisons hebdomadaires vers la Scandinavie.
61 Mt d’ici 2030
Selon les plans du port néerlandais, la part du report modal du rail devrait passer de 11 % (2016) à 20 % en 2030, soit entre 54 et 61 Mt contre 42 Mt en 2016.
Au total, plus de 250 liaisons ferroviaires internationales convergent vers Rotterdam. Outre l’acheminement de conteneurs, le fer est aussi adapté pour les vrac secs, les produits chimiques et les marchandises diverses.
Pour fluidifier les échanges, Rotterdam est à pied d’œuvre pour aménager un nouveau tronçon de 4 km de voies ferrées. Mise en service en 2021, elle va se greffer sur la Betuwelijn, la ligne de fret reliant le port néerlandais à la Ruhr. Représentant un investissement de 300 M€, ce chantier va créer un trajet contournant des ponts à bascule qui, lorsqu’ils sont ouverts, empêchent la circulation des trains.
Si les terminaux RSC et CTT (Pernis et Bertschi) présentent les installations ferroviaires les plus accomplies à Rotterdam (voir encadré), la plupart des terminaux pour les navires de haute mer sont aussi équipés pour le transport par rail, tout comme les terminaux dédiés à l’activité ro-ro.
Pour sa part, la société d’exploitation de Rotterdam met à disposition des opérateurs des outils de gestion des trafics. Sur le terrain, le réseau ferroviaire interne Portshuttle se charge quotidiennement des échanges de conteneurs entre les terminaux où accostent les navires de haute mer et les terminaux ferroviaires de RSC et CTT. Au niveau informatique, l’outil On Track fournit des informations en temps réel sur les manutentions ayant une incidence sur le transport ferroviaire.
Politique volontariste de La Haye
En plus de ses engagements financiers en faveur du transport ferroviaire (12 à 14 M€ de subventions par an jusqu’en 2023), La Haye a aussi promis de « regarder de près » les moyens d’adapter le réseau au passage de trains plus longs, jusqu’à 740 m. Une mesure attendue par les professionnels pour rendre le fer compétitif. Partant de là, le transporteur DB Cargo a déjà commencé les premiers essais des trains présentant la longueur maximum.
Le ministère des Transports a aussi évoqué la mise en place du système de sécurité européen ERTMS qui devrait représenter des coûts supplémentaires pour le secteur. Il se dit prêt à étudier la possibilité d’y allouer une enveloppe ou de solliciter Bruxelles.