Les ports européens sont-ils « branchés »?

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Les ports peuvent difficilement faire l’impasse sur leur empreinte carbone alors que l’industrie du transport maritime est sommé avec empressement de montrer « patte verte ».

Fournir de l’énergie électrique côté terre à un navire à quai pour alimenter ses moteurs auxiliaires, qui régissent les équipements de manutention et autres services à bord (climatisation, chauffage, éclairage, frigos…), a émergé ces dernières années comme une des solutions aux émissions atmosphériques (oxydes de soufre SOx, oxydes d’azote NOx, dioxyde de carbone CO2 et particules fines) générées par les navires dans les ports. La connexion électrique à quai a pour autres avantages de traiter certaines pollutions sonores dues aux vibrations des moteurs et de pouvoir offrir aux clients armateurs (en particulier de paquebots et de ferries) un brevet de vertu environnemental à faire valoir auprès de leurs passagers devenus intransigeants à l’endroit de la planète.

Qu’elle soit appelée « cold ironing » (par référence aux vieux moteurs au charbon qui, une fois à quai, finissaient par refroidir complètement car ils n’avaient plus besoin d’alimenter le feu), « onshore power supply » (OPS), « shore-to-ship power » (SSP) ou encore « alternative maritime power » (AMP), la technologie fait référence peu ou prou aux même usages et est loin d’être simple. Il ne suffit pas de tirer un câble et de brancher une prise…

Mais ses bénéfices sont immédiats. Selon une étude (Key factors and barriers to the adoption of cold ironing in Europe), le principe permettrait d’épargner les riverains de plus de 30 % des émissions de CO2 et plus de 95 % des NOx et des particules. Ainsi, en dix heures d’arrêt d’un paquebot de croisière, ses émissions passeraient de 72,2 à 50,1 t de CO2, de 1,47 à 0,04 t d’oxyde d’azote et de 1,23 à 0,04 t d’oxyde de soufre.

Et le prix à payer ne paraît pas hors de portée, côté portuaire du moins. Une autre étude (Identifying the unique challenges of installing cold ironing at small and medium ports) a estimé le coût d’investissement global de l’installation à environ 7,4 M€ dans les ports de taille moyenne.

Retour sur investissement long

En revanche, le retour sur investissement (investissements et coûts de fonctionnement compris) présente un rapport moins favorable. Le rapport sur l’adoption du cold ironing en Europe place en effet la jauge à 7 ans, mais à 3,5 ans si l’UE les subventionnait à 50 %.

Les difficultés techniques servent aussi de repoussoir. À commencer par l’absence de normes internationales, la puissance, la tension et la fréquence variant selon les pays et les navires, de quelques centaines de kilowatts pour des ro-ro à une douzaine de mégawatts dans le cas des paquebots avec une fréquence de 60 Hz (normes américaines). Quoi qu’il en soit, les infrastructures électriques des ports sont mises à rude épreuve par le niveau de puissance exigé. Autant dire qu’il suffit de deux paquebots branchés simultanément pour mettre à plat un réseau local.

Quant aux investissements nécessaires à quai et à bord, les études disponibles font état de grandes disparités, selon la physionomie du navire certes, la solution choisie, la disponibilité (et la proximité) de l’énergie haute tension (6 à 20 kV), le recours à un convertisseur de fréquence ou à des transformateurs (si le raccordement basse tension à un navire économise le transformateur à bord, il nécessite de la manutention des câbles à quai et donc des coûts de personnel), mais aussi de la longueur des câbles souterrains et bien d’autres critères, indique la littérature technique disponible sur le sujet.

Selon différentes analyses réalisées par Bruxelles, le coût du transport de l’électricité d’un réseau local à un terminal portuaire varierait de 300 000 à 4 M$ par poste d’amarrage. Les modifications requises à bord d’un navire oscilleraient entre 300 000 euros et 1 à 2 M$.

Incitations financières

Les dépenses de fonctionnement restent, elles, tributaires de nombreux éléments connexes. Le prix de l’électricité en est un. La redevance de raccordement, dont le niveau dépend de la consommation d’énergie, en est un autre. Le coût du carburant est aussi un facteur qui va influencer la décision d’un armateur à préférer l’électricité produite à terre à des moteurs diesel auxiliaires, et à cet égard, les écarts de prix entre les différents types de fuels après l’entrée en vigueur de la réglementation sur le soufre seront déterminants. Reste la fiscalité et rien qu’en Europe, les taux d’imposition vont de zéro à 0,03 €/kWh.

Pour inciter compagnies et affréteurs, les ports peuvent toujours rejoindre la communauté de l’Esi (Index environnemental des navires) initié par l’IAPH (International association of ports and harbors), à laquelle a adhéré une petite soixantaine de ports, dont en France, Le Havre, Rouen, Paris, La Rochelle, Marseille et Dunkerque.

La démarche a été lancée il y a quelques années déjà et elle vise à récompenser par des avantages tarifaires (droits de port) les navires « sobres » escalant dans les ports. Dunkerque, qui a rejoint dernièrement le club, s’engage ainsi à verser aux termes de chaque année une récompense financière, « calculée sur la base du nombre d’escales vertueuses réalisées par la compagnie ou l’affréteur, au prorata du nombre total d’escales vertueuses comptabilisées dans le port durant une année », a indiqué le communiqué qui n’en dira pas davantage. La politique tarifaire reste un sujet sensible.

Le port de Marseille, qui a adhéré en 2017 et est confronté à un problème d’acceptabilité sociale à l’égard de ses paquebots de croisière dont les escales ont explosé ces dernières années, va jusqu’à mettre en scène sa probité environnementale. Les compagnies vertueuses sont récompensées à l’occasion d’une soirée-événement. L’exemplarité remise au goût du jour…

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