Serge dal Farra, directeur marketing de Total Lubmarine « Pas de sur-promesse. On tient un discours de vérité »

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À quelques mois de l’échéance, qu’ils aient opté pour le fuel à très faible teneur en soufre à 0,5 %, le gasoil marin, le vieil heavy fuel oil à 3,5 % de soufre (toujours autorisé si les cheminées sont équipées de dispositifs d’épuration des gaz d’échappement) et a fortiori pour le GNL, de nombreuses questions se posent malgré les assurances données par les fournisseurs de carburant. Beaucoup pensent que le produit ne sera pas là où ils en auront besoin.

Serge dal Farra: C’est pour cette raison que nous avons programmé, entre mars et juin, onze rencontres-clientèle dans des villes portuaires stratégiques (Nice, seule ville en France, choisie pour être à l’épicentre entre la France et l’Italie, NDLR). À chaque fois, une dizaine de dirigeants des différentes filiales et ou services concernés du groupe se sont relayés pour répondre aux questions d’opérateurs de la supply chain, d’acheteurs, de fabricants d’équipements, de sociétés de classification… Au vu des questions qu’on nous posait de façon récurrente, on s’est dit qu’il n’était pas inutile d’aller leur répondre en direct. Et sans m’avancer, nous sommes les seuls à l’avoir fait à cette échelle.

Pourquoi ce timing? N’est-ce pas un peu tardif pour répondre à leurs angoisses?

S. dal F.: Le timing est celui-là car on pense que l’été sera une période charnière pendant laquelle les clients vont finaliser leur stratégie et préparer les premiers approvisionnements. Pour être conforme à date, selon son trajet, le navire devra avoir réalisé son soutage avant, soit en septembre ou octobre.

50 000 navires doivent changer en même temps de fuel, un grand défi pour le secteur maritime, dont la réussite dépend en grande partie de vous, les compagnies pétrolières. Or, les informations qu’elles délivrent tant sur l’offre que la disponibilité sont encore lacunaires. Y aura-t-il suffisamment de ports offrant du carburant conforme?

S. dal F.: Le groupe Total garantit a minima un copié-collé de notre carte de distribution actuelle pour le fuel à 3,5 %. Les mêmes quantités en 0,5 % seront disponibles à partir du 4e trimestre de cette année. L’offre sera disponible dans les principaux ports de soutage de l’ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers), en France et en Allemagne ainsi qu’à Singapour, en Corée et en Chine et sur la côte africaine. Pour l’heure, seule la zone Amérique doit encore être finalisée. Mais il faut quand même être conscient qu’il y a une logistique à mettre en place.

C’est bien la disponibilité dans TOUS les ports qui inquiète. Tous ne s’appellent pas Singapour. Tous les navires ne sont pas non plus des porte-conteneurs, réglés comme du papier à musique en escalant dans des ports et terminaux planifiés.

S. dal F.: Toutes les compagnies tiennent à cet égard le même message de prudence. Les propriétaires de flotte ayant opté pour le 3,5 % doivent être conscients que la disponibilité des avitailleurs, du stockage voire de l’offre dans certains ports ne seront pas garantis partout et qu’ils doivent se renseigner avant. Pour notre part, nous garantissons les volumes passés mais l’on ne dira pas que nous allons mettre tout à disposition partout, juste pour dire qu’on a une large couverture s’il n’y a pas de clientèle. En revanche, on peut faire plus si on se met d’accord sur des destinations et des volumes. C’est le message que nous faisons passer à nos clients: contractualisons!

Sur la dynamique des prix et les volumes qui semblent classés « défense », que proposez-vous?

S. dal F.: On tient un discours de vérité: nous anticipons une augmentation. Les « recettes », qui permettent de faire des fuels conformes à 0,5 %, utilisent davantage de distillats. La demande supérieure sur les distillats va donc créer une tension début 2020 et probablement avant. Un rebond sur les prix est donc attendu, jusqu’à ce que l’industrie ait trouvé son nouvel équilibre. Il y a ensuite encore peu de cotations qui permettent de connaître la structure des prix. D’après nos calculs, on anticipe une baisse du prix du HFO, ce qui pourrait créer un effet d’opportunité pour ceux qui se seraient équipés de scrubbers. Le prix du fuel à basse teneur de soufre sera plus proche des cotations actuelles du gasoil, cependant en deçà.

Et si la demande basculait massivement en faveur d’un carburant à 0,5 % de soufre?

S. dal F.: S’il y a moins de demande pour un carburant à 3,5 %, l’effet pourrait être double: une baisse du prix certes, mais avec un effet haussier sur le coût logistique dans la mesure où la logique d’approvisionnement ne sera plus la même. Il pourrait d’ailleurs y avoir un appel d’air pour le diesel marin, notamment pour des navires qui sortiraient très peu des zones réglementées ECA car il y a peu d’intérêt dans cette configuration à gérer deux fuels, sans parler du risque de contamination.

Si le GNL ne compte pas encore pour beaucoup dans la production de Total*, c’est bien ce carburant dit de demain qui concentre vos investissements, non?

S. dal F.: Nous avons des ambitions dans ce domaine et des convictions: il représente la meilleure option pour l’avenir parmi tous les carburants alternatifs. Nous gageons sur une montée en puissance progressive pour représenter en 2025 un volume de l’ordre de 10 Mt.

* Selon la compagnie nationale, la production devrait se répartir entre 75 et 85 % de carburants à faible teneur en soufre, de 10 à 20 % à forte teneur en soufre, et jusqu’à 5 % de GNL entre 2020 et 2025.

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