« Le rôle d’un syndicat, c’est aussi d’obtenir de bons compromis »

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Vous avez réalisé un document d’orientation qui s’intitule « des transports équitables en Europe ». Quelle vision porte l’ETF pour l’avenir des transports en Europe?

Eduardo Chagas: Nous avons déposé 9 propositions et la plupart sont encore discutées dans les instances communautaires. La première de toutes concerne le dumping social, une notion pour laquelle il est essentiel de convenir d’une définition stricte et d’une législation sociale qui harmonise vers le haut. José Manuel Barroso, le précédent président de la Commission européenne, disait: « Il n’y a pas un modèle social européen mais 28 modèles sociaux différents ». Jean-Claude Juncker, son successeur, s’est prononcé pour des règles claires et unifiées. Les commissaires aux Transports et aux Affaires sociales ont reconnu à leur tour la réalité de l’existence du dumping social. Nous sommes donc plutôt en bonne voie.

La seconde concerne le détachement des travailleurs. Nous demandions une révision de la directive. C’est en cours. Nous avons notamment obtenu un compromis sur l’exclusion des travailleurs du secteur routier internationaux des nouvelles dispositions. Or, celles en vigueur s’appliquent toujours à eux. Nous devons encore avancer sur des solutions assurant la prise en compte des spécificités des travailleurs très mobiles.

La troisième proposition part du manque d’uniformité de l’application de la législation sociale et du travail dans le secteur des transports de tous les États-membres, un facteur qui favorise le dumping social. Cela concerne aussi les contrôles ou les inspections qui ont diminué drastiquement avec les mesures d’austérité. Il faut une harmonisation des sanctions et des amendes afin qu’elles soient dissuasives pour les entreprises.

L’ETF demande l’ajout d’une clause de progrès social aux traités européens, pour quelles raisons?

E.C.: La clause de progrès social vise à contrecarrer l’argument avancé par certains employeurs dans certains États-membres selon lequel les droits sociaux s’arrêtent là où commencent les droits des entreprises. Ce genre de raisonnement peut conduire à limiter le droit de grève, par exemple. Les droits sociaux ne sont pas subordonnés aux droits commerciaux. Les libertés économiques ne peuvent pas prévaloir sur les droits fondamentaux de l’UE ni sur le progrès social.

Dans certains pays, même ayant reconnu les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, le droit de grève n’est pas reconnu. Chez certains employeurs, le droit des travailleurs à s’organiser et à négocier leurs conditions de travail n’est pas admis. Nous voyons même circuler des textes émis par la Commission européenne elle-même, qui donnent la marche à suivre pour contourner le droit de grève, notamment dans le secteur aérien en cas de mouvement de protestation des contrôleurs aériens! La reconnaissance du rôle des syndicats dans les conventions collectives n’est pas négociable.

La présence et le rôle des femmes dans les transports est-il un enjeu?

E.C.: Depuis mai 2001, l’ETF compte un comité de femmes, instance politique de la fédération pour traiter les défis de la féminisation du travail et de l’égalité professionnelle. Seuls 20,5 % de femmes sont employées dans nos secteurs alors que l’emploi féminin représente 43,5 %. Le progrès passe par une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans les structures syndicales et les instances de négociation. Il faut intégrer la dimension d’égalité dans toutes les politiques syndicales, les conventions collectives, les conditions de travail, les acquis sociaux.

Quelles évolutions avez-vous observées ces dernières décennies?

E.C.: Le fin de la libéralisation dans le secteur des transports a beaucoup changé les relations de travail. Tous les secteurs ont perdu leur monopole, au demeurant très visible pour le rail. Une des premières conséquences a été moins de travailleurs et moins d’emplois. Une autre fut celle de l’arrivée d’entreprises privées jouant selon leurs propres règles, refusant les conventions collectives existantes, résistant à négocier la leur. Les pertes d’emploi, la disparition de grands acteurs historiques, les mesures d’austérité ont aussi conduit à un affaiblissement des représentations syndicales, des protections sociales et à un durcissement en matière de droit social et de travail.

Comment mobiliser aujourd’hui les travailleurs?

E.C.: Le rôle d’un syndicat, c’est aussi d’obtenir de bons compromis qui bénéficient à tous les salariés. Mais il faut être deux pour négocier. En tant que fédération européenne qui a signé plus de la moitié des accords des partenaires sociaux au niveau européen, nous restons disponibles pour négocier quand c’est possible et lutter quand il sera nécessaire.

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