Voici venue l’ère des « marins éphémères »?

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Inquiétante évolution ou adaptation naturelle à une époque impulsive et volatile? « Les officiers de la marine marchande ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient. Si les aînés passaient souvent leur vie à naviguer, les nouvelles générations ont tendance à se reconvertir précocement dans des carrières terrestres », introduisent Gérard Podevin et Anne Delanoë, auteurs d’une étude* publiée par le Céreq, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Ces nouveaux « marins éphémères » – la reconversion s’effectuerait après sept ou huit ans de navigation – questionne toute la filière, signifient-ils.

Certes, la segmentation des carrières (durées de carrières hétérogènes au sein des équipages) n’est pas propre à la marine marchande. C’est le cas des professions confrontées à des conditions de travail atypiques ou difficiles. En revanche, chez les officiers du transport maritime, elle serait exacerbée et revêt « des enjeux spécifiques » pour un secteur « régi par des conventions internationales et des règles sans équivalent dans les activités terrestres ». Le phénomène alimenterait par ailleurs la crainte d’une pénurie « théorique » d’officiers chez les armateurs, évaluée à 60 000 au niveau mondial à l’horizon 2020 selon les études de l’université de Warwick. Selon Drewry, elle était d’environ 5 % en 2013 et serait de 2 % à l’heure actuelle (reflet d’ailleurs d’une conjoncture déprimée). La pénurie est qualifiée de théorique dans la mesure où aucun navire n’aurait été empêché de naviguer faute d’un équipage suffisant.

Contreproductif

Selon les auteurs, il y aurait un lien évident entre formation et durée des carrières en mer. Les officiers quittant tôt la navigation sont en effet principalement issus de la filière académique, dispensée en cinq ans et demi par l’ENSM, tandis que les officiers navigants au long cours relèvent surtout de la filière de formation professionnelle. Cette constance est toutefois à nuancer car elle pourrait aussi être le symptôme d’une plus grande difficulté à se reconvertir à terre. Dans cette étude, le Céreq questionne aussi les effets de la réforme de l’enseignement supérieur maritime, qui a consacré la mutation de l’ENSM, à la spécialisation jugée trop forte, en école d’ingénieurs, « supposés faciliter la reconnaissance de la qualité de la formation, l’employabilité des élèves et l’attractivité de l’école ».

In fine, le centre d’études finit par se demander si la réforme ne vient pas entériner le phénomène des carrières courtes et pointe « un risque de dilution et de perte de lisibilité du système de formation maritime si la diversification des formations dispensées devenait trop grande ».

* Carrières des officiers du transport maritime: l’« effet mer » est de courte durée, Gérard Podevin et Anne Delanoë, Céreq Bref n° 368 (en ligne sur le site web)

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