Peut-être est-ce pour cela que les Chinois de Cosco, aujourd’hui propriétaire à 70 % du Port autonome du Pirée, le considèrent comme une « tête de Dragon », impatiente de s’attaquer au marché européen et à le faire vite. Deux ans à peine avoir repris le port en main, le nombre de conteneurs sous le soleil grec est passé de 900 000 à plus de 4 millions et devrait franchir la barre des 10 millions en 2021. Il s’agit de la progression la plus importante de tous les grands ports de commerce internationaux. Le Pirée, premier de Méditerranée devant Algésiras et Marseille, c’est en effet l’objectif à court terme. Situé face au canal de Suez, il est la « porte d’entrée » des Chinois sur le continent occidental. Il est, sinon une perle, le « hub » prometteur d’une nouvelle « route de la soie ».
« Je suis prêt et j’ai l’argent », explique, sans détour ni complexe, « Captain Fu », le patron du Port autonome du Pirée, qui a plus de 300 M€ à dépenser dans les 5 ans à venir. « J’attendrai jusqu’à la fin de l’année », ajoute-t-il, faisant miroiter d’éventuelles remises en cause du contrat qui le lie aux autorités grecques.
Les Chinois, impatients
Deux ans après avoir dépensé déjà près d’un milliard d’euros dont 580 millions dans les seules infrastructures du port à conteneurs, les Chinois pressent le gouvernement grec de donner le feu vert pour des investissements sur le port ferry et croisière cette fois. Là où s’élèvent les anciens hangars de briques et de béton qui ont fait la gloire du vieux port. Trois hôtels 5* devraient y être aménagés et permettre la réhabilitation de ces architectures industrielles d’une autre époque mais pas sans allure. Déjà, dressées dans la lumière blanche et implacable de la mer Égée, elles servent de supports à des artistes. Un quatrième hôtel pourrait être construit aux alentours de cette vaste zone de terre-pleins et d’usines désaffectées. Les autorités portuaires promettent aussi la construction d’un nouveau terminal croisière – deux postes d’amarrage pour accueillir les mégas-paquebots de nouvelle génération sont envisagés, ce qui portera le total à 13 – et d’un complexe de commerces et lieu d’exposition pour attirer les millions de passagers (16 millions en 2017) qui passent par Le Pirée. On évoque cette fois une architecture qui pourrait rappeler un toit de pagode chinoise!
Une manière comme une autre de mettre en valeur le passé civilisateur et commercial commun de la Grèce et de la Chine. Pour les Chinois, cela compte. Pour les Grecs aussi, bien plus qu’on ne l’imagine. Ne voir dans cette nouvelle page qui s’ouvre pour le port millénaire qu’une affaire de « gros sous » serait réducteur. Les Grecs, précisément au moment où ils traversent une crise économique délicate, ont aussi besoin de considération à une période où l’Europe et d’autres, en la montrant du doigt, n’ont pas manqué de froisser son orgueil. En vérité, rarement pays européen n’aura eu autant d’intérêts parfaitement bien compris et partagés avec la Chine. Ce qui explique sans doute aussi pourquoi à l’entrée du port autonome trônent désormais bien visibles aux côtés de l’alphabet hellénique, les sinogrammes.