À peu de jours d’intervalle, Corsica Linea et La Méridionale, toutes deux basées à Marseille ont fait part de leur aggiornamento environnemental.
Corsica Linea organisait le 13 septembre à bord de l’un de ses ropax, le Pascal-Paoli, une conférence de presse pour annoncer le branchement électrique à quai de trois de ses navires – le Paglia-Orba, le Pascal-Paoli et le Jean-Nicoli –, entre janvier 2019 et fin avril 2020. Un investissement de 4,5 M€ auquel l’Ademe et la Région ont contribué à hauteur d’un tiers (respectivement 900 et 750 K€). Le Grand Port maritime de Marseille (GPMM) financera pour sa part les aménagements à quai nécessaires (1 M€, dont 228 000 € par la Région).
Le branchement électrique des navires à quai, qui permet de couper les moteurs en escale, est actuellement perçu à Marseille comme la solution aux effets les plus immédiats sur les indicateurs environnementaux, sources permanentes de tensions avec ses riverains. C’est La Méridionale qui a éprouvé le concept avec trois de ces navires en 2017. 3,5 M€, également subventionnés, y ont été consacrés. « C’est dire que près de 500 escales par an ne génèreront plus de nuisances », plaidait alors Marc Reverchon, son président. La filiale du groupe Stef voit plus loin aujourd’hui. Elle vient d’expérimenter pendant 15 jours en septembre à Ajaccio un dispositif de connexion électrique de ses navires à quai au GNL, ce qui a nécessité de « ruser » pour pallier l’absence de branchement (Cf. ci-contre).
Retard français
Sur la connexion électrique, les ports français sont très en retard par rapport à des homologues comme Göteborg, Hambourg, Los Angeles ou Vancouver…. Au niveau mondial, c’est la Californie qui est la plus jusqu’au-boutiste sur le sujet. L’électrification des ports a été rendue obligatoire par sa législation depuis quelques années déjà. Le port de Long Beach vient de recevoir une nouvelle subvention de 9,7 M$ de la California Energy Commission pour éprouver cette fois des équipements de manutention de marchandises à propulsion électrique. Les ports californiens en sont par ailleurs à l’expérimentation du second démonstrateur (le modèle Beta) du camion à hydrogène de Toyota fonctionnant avec deux piles à combustible et une autonomie de plus de 400 km. En France, le verdissement est cependant en marche. Bordeaux vient notamment de développer une « PowerPort Box », une armoire mobile pour connecter les paquebots fluviaux au réseau électrique. Le boîtier devrait toutefois être commercialisé entre 40 000 et 50 000 €…
Ports sous tension
Tous les ports sont chroniquement mis sous tension pour les pollutions qu’ils génèrent. Mais à Marseille peut-être plus qu’ailleurs depuis les mesures réalisées par l’ONG France environnement, relayées par l’émission phare de France 3, Thalassa, qui indiquaient qu’un bateau à quai « produit des rejets équivalents à 10 000 à 30 000 véhicules ». Visés, les paquebots de croisière qui font tourner leurs moteurs pendant toute l’escale pour les besoins de leurs équipements de bord, énergivores, Depuis, les associations reviennent régulièrement à la charge. Le sujet est d’autant plus sensible que le port de Marseille est passé rapidement dans le cercle des ports de croisière dits « millionnaires » (4e européen avec 1,75 million de passagers en 2017) et a des ambitions en la matière (2 millions en 2020).
L’affaire est si délicate que la veille de sa démission, selon notre confrère des Échos, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot avait notifié à la sénatrice et maire du 8e secteur de Marseille, Samia Ghali, avoir commandé au Conseil général de l’environnement une « note » sur la situation marseillaise.
Sur ce dossier, Air Paca affine depuis plusieurs années ses mesures de façon à bien identifier les contributions effectives de l’activité portuaire et maritime. Selon ses modélisations (réactualisées en temps réel), le transport maritime contribue bel et bien à hauteur de 5 à 10 % à la pollution de l’air mesurée en centre-ville et le trafic portuaire est responsable des trois quarts d’émissions de dioxyde de soufre et d’un tiers de celles d’oxyde d’azote.
Quoi qu’il en soit, les ports restent subordonnés à la vertu des autres acteurs de la chaîne, à commencer par les armateurs, par ailleurs ses clients.
« Je n’en connais pas un qui ne se préoccupe pas du sujet aujourd’hui », pose Christine Cabau-Woehrel, présidente du directoire du GPMM. L’administration portuaire dit, pour sa part, se préparer à répondre, avec des services et équipements adaptés, aux solutions pour lesquelles les armateurs auront opté. « Cela complique la situation car il n’y a pas une mais plusieurs solutions ».
Bonus/malus portuaire
Inciter les armateurs à changer leur pratique en appliquant une prime financière à la vertu, la mesure est déjà prévue par l’Europe mais tarde à se concrétiser. Le 1er juillet 2017, le GPMM a rejoint la dynamique du World Ports Climate Initiative (WPCI) et accorde un bonus, sous forme de réduction de droits portuaires pouvant aller jusqu’à 10 %, aux navires dont les pratiques respectueuses vont au-delà de la réglementation.
L’ESI (Index Environnemental des Navires), démarche créée en 2009 par les ports du range Nord, Haropa et l’International Association of Ports and Harbors (IAPH), vise aussi à inciter les armateurs à être plus zélés. Une cinquantaine de ports y ont adhéré, dont en France La Réunion, La Rochelle, Marseille, Haropa, et 7 799 navires de commerce sont concernés.
« Un signal fort »? La commission des transports du Parlement européen vient de voter en faveur de la suppression des obstacles fiscaux à la fourniture d’électricité à terre dans les ports pour les navires à quai.
« Une exonération permanente et européenne de la taxe sur le réseau électrique terrestre pour les navires à quai éliminerait un grand désavantage et en améliorerait l’utilisation, permettant aux ports de recueillir les bénéfices d’investissements coûteux. Nous espérons maintenant que le message parviendra également à la Commission, aux gouvernements nationaux et aux ministres en charge des questions fiscales », a commenté Isabelle Ryckbost, secrétaire générale de l’Organisation européenne des ports maritimes (ESPO).