Le Kazakhstan a inauguré en août un nouveau complexe portuaire à Kouryk sur la mer Caspienne, que les autorités de ce pays d’Asie centrale espèrent en faire un important noeud de communication entre l’Asie et l’Europe sur le tracé des Routes commerciales de la Soie qu’est en train de rééditer la Chine dans une version terrestre et maritime, avec des milliards de dollars à la clé. « Investir dans les infrastructures de transport rend notre économie plus compétitive. Nous fournissons un stimulus aux Nouvelle Routes de la Soie », a ainsi déclaré le président kazakh, Noursoultan Nazarbaïev, à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle infrastructure.
Les autorités kazakhes misent sur près de 4,5 Mt de marchandises passant par Kouryk d’ici fin 2018, soit trois fois plus que l’an dernier. Cette ancienne république soviétique d’Asie centrale de 18 millions d’habitants compte aujourd’hui réduire sa dépendance aux matières premières en développant le transit commercial à partir de ses deux ports.
À 100 km plus au Nord du pays, Aktaou, sur la mer Caspienne rêve aussi de rebondir grâce aux nouvelles routes maritimes tracées par la Chine. Sévèrement touché par la concurrence d’oléoducs plus récents et rentables entre la Russie et le Kazakhstan, ou la Chine et l’Ouest du Kazakhstan, Aktaou souffre depuis le milieu des années 2000 alors que 14 Mt de brut transitaient chaque année par ses installations. Le trafic y a bien décliné. Le port n’emploie plus que 500 personnes environ, contre 700 il y a quelques années. Une situation qui reflète les difficultés économiques du Kazakhstan, pays riche en hydrocarbures mais sapé par la chute des prix du pétrole en 2014.
Aktaou-Chengdu en 20 jours
Abaï Tourikpenbaïev, président de la société Port international d’Aktaou, est convaincu que son port offre une alternative à la route du Nord, plus connue, qui permet de rejoindre l’Europe via le Kazakhstan et la Russie. Traverser la Caspienne en passant par Aktaou permet d’acheminer des marchandises en provenance de Chengdu en Chine vers Istanbul en une vingtaine de jours en train. C’est plus long que la route du Nord, qui permet aux trains d’atteindre Vienne en deux semaines, et plus cher que la voie maritime, qui prend un peu plus d’un mois et représente environ 90 % des échanges commerciaux Est-Ouest. Mais cet itinéraire via Aktaou offre aux exportateurs l’accès à des marchés différents en Turquie, dans le Caucase et en Iran.
Selon les autorités portuaires, la présence sur ses quais du géant de la logistique de Dubaï DP World a été un atout majeur pour emporter l’adhésion des Chinois.
Rude concurrence
La Chine semble bien disposée à l’égard d’Astana: « le Kazakhstan a activement réagi » face au projet chinois de nouvelles routes, explique Ning Jizhe, vice-président de la NDRC, la puissante agence chinoise de planification économique, devant des journalistes à Pékin. Mais pour l’heure, les signes de la puissance économique chinoise se font encore rares à Aktaou, à environ 2 300 km de la frontière sino-kazakhe, entrée principale pour les marchandises qui doivent être acheminées vers l’Europe par la voie terrestre.
Le port d’Aktaou s’attend à accueillir cette année 1 500 conteneurs en provenance de la Chine, deux fois plus qu’en 2017, compte Abaï Tourikpenbaïev. Cela ne représenterait toutefois que 3 % du chiffre d’affaires annuel du port, reconnaît-il.
La concurrence est cependant rude: Aktaou n’est pas le seul port de la Caspienne à espérer capter le transit des marchandises chinoises. Au Turkménistan voisin, le président Gourbangouly Berdymoukhamedov a inauguré en mai un port d’un montant de 1,5 Md$ à Tourkmenbachi. De l’autre côté de la Caspienne, l’Azerbaïdjan a investi massivement dans un nouveau port baptisé Alat. Et la concurrence est aussi vive à l’intérieur même du Kazakhstan. Désormais, à trois heures de route au sud d’Aktaou, le port Kouryk fait valoir ses droits.
Selon Adil Kaoukenov, directeur du Centre des études chinoises « China Centre » à Almaty, il y a suffisamment de marchandises chinoises pour tous les ports de la Caspienne, mais Aktaou devra convaincre les hommes d’affaires chinois d’investir dans de nouveaux itinéraires.
« Nous ne devons pas nous attendre à ce que des miracles se produisent en une nuit », tempère-t-il. « Les nouvelles routes doivent faire leurs preuves ».