Avec 176 000 EVP en 2017, et malgré une baisse de trafic de plus de 2 %, le fluvial reste le mode massifié le plus important pour le port du Havre, loin devant le ferroviaire qui, avec 88 000 EVP, a toutefois connu une hausse de 11 % en 2017. Ces données restent cependant peu satisfaisantes, au regard de l’augmentation de 15 % du nombre des conteneurs au Havre en 2017, qui a dépassé les 3 MEVP. Le port doit principalement cette hausse au transbordement, le trafic d’hinterland ne progressant que de 7 %. La part modale du fluvial pour les conteneurs au Havre, qui avait atteint 10 % aux termes d’une belle progression, est de fait redescendue autour des 9 %. L’espoir que la massification du transport maritime sur les porte-conteneurs géants profite aussi aux modes terrestres massifiés s’en trouve donc déçu.
Comment expliquer la faiblesse du conteneur fluvial au Havre? Par l’absence d’accès direct à Port 2000, répondent de concert les transporteurs fluviaux, qui ne se satisfont pas de l’utilisation du terminal multimodal et du surcoût que son utilisation occasionne. « Il n’y a pas d’alternative économique et efficace à la réalisation de l’accès direct fluvial au Port du Havre: les autres solutions sont soit des pis-aller (passage maritime), soit des solutions de complément (brouettage) », souligne, par exemple, le Comité des armateurs fluviaux. Le bilan de la concertation sur l’amélioration de l’accès fluvial à Port 2000, rendu en février 2018, souligne, quant à lui, la complémentarité entre les trois accès à Port 2000: le brouettage via le terminal multimodal, l’accès fluvio-maritime par la route Nord ou Sud et l’accès direct par une chatière.
Reprenant à son compte ces conclusions, le conseil de surveillance du Grand Port maritime du Havre a inclus le 29 juin 2018 la réalisation de la chatière, d’un coût estimé à 125 M€, parmi les priorités de son programme d’investissement. Aucune date n’a cependant été fixée pour sa réalisation alors que les travaux des deux prochains postes à quai de Port 2000 pourraient débuter dès 2019.
« Dans tous les cas, la chatière ne sera pas opérationnelle dans les cinq ans, précise Antoine Berbain, directeur général délégué de Haropa. D’où la nécessité de faire évoluer les autres options: route Nord et Sud et navette ferroviaire. La chatière ne suffira pas à elle seule à mettre le fluvial en situation de concurrence avec la route. Il faut en effet traiter d’autres sujets, y compris celui des coûts de manutention, pour que la chatière soit une réussite et apporte au fluvial des gains de part modale ».
Un terminal saturé?
Parmi les autres mesures permettant d’améliorer l’accès fluvial à Port 2000, mises en avant lors de la concertation, figurent la mutualisation des moyens de transport par les opérateurs fluviaux, mais aussi la baisse des coûts de manutention, laquelle a été, notamment à Dunkerque, le préalable à la mutualisation des THC. Les transporteurs fluviaux rêveraient de la voir transposer au Havre, où ils doivent s’acquitter de frais de manutention de l’ordre de 45 € par conteneur pour chargement sur barge, alors que le chargement sur train ou sur camion se fait sans surcoûts.
Après des débuts difficiles en 2015, le terminal multimodal du Havre a vu monter en puissance l’activité fluviale dès 2016, puis le ferroviaire en 2017, pour atteindre cette année-là 145 000 EVP (dont un tiers en fluvial). Les perspectives pour 2018 sont plutôt bonnes pour Le Havre Terminal Exploitation (LHTE) qui vise 180 000 EVP en 2018, alors que la capacité maximale théorique du site est de 200 000 EVP. Chaque jour, six navettes exploitées par Normandie Rail Service, filiale de la SNCF, relient le terminal multimodal aux terminaux maritimes: trois à destination du Terminal de France, deux pour TNMSC et une pour CNMP Atlantique.
Censé résoudre en partie le problème de l’accès des bateaux fluviaux aux terminaux de Port 2000, le terminal multimodal du Havre leur permet aussi d’éviter de faire la tournée de tous les terminaux maritimes havrais, et de charger ou décharger le maximum de boîtes au même endroit. Autre avantage, selon LHTE: la réduction du temps de stationnement des conteneurs sur les terminaux maritimes, « passé de 3 à 2,4 jours en moyenne à l’importation. Pour 50 % des conteneurs import, l’opérateur a anticipé l’arrivée du navire, et l’enlèvement se fait en moins de deux jours. À l’export, 50 % des conteneurs arrivant sur le terminal multimodal sont transférés le jour même à destination des terminaux maritimes ».