En quoi l’avenir assombri de ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS), constructeur des sous-marins allemands ainsi que de divers vaisseaux militaires de surface, est-il impactant pour la construction navale du pays? Au début de l’année, la filiale navale du géant de l’acier ThyssenKrupp (TK) a annoncé son intention de fermer son site d’Emden (220 salariés sur 3 700) qui emploie essentiellement des ingénieurs. Puis a été révélé début juin que la maison mère, elle-même en difficulté, réfléchissait à vendre TKMS. La situation difficile du chantier naval s’explique aisément. Certes, les Allemands ont récemment remporté un contrat norvégien pour quatre sous-marins. Mais, fin 2016, ils ont perdu le deal australien « du siècle » face aux Français de Naval Group qui leur ont « chipé » la construction de 12 sous-marins pour une valeur de 35 Md€. Par ailleurs, au printemps dernier, le ministère allemand de la Défense a annoncé l’exclusion de TKMS de l’appel d’offres européen lancé pour la construction du futur bâtiment multi-rôle allemand MKS 180. La valeur de ce contrat (quatre à six navires) oscille entre 3,5 et 5 Md€, une somme à mettre en regard du chiffre d’affaires consolidé de la filière navale: 5,8 Md€ en 2017. Pour TKMS, la perte de ce contrat, qui pourrait revenir à un chantier hollandais, est conséquente, tant sur le plan économique que symbolique. Car comment peut-on commercialiser des produits qu’on n’arrive même pas à vendre à sa propre Marine?
S’affranchir de l’Europe
Meinhard Geiken, patron de l’IG Metall Kueste (fédération côtière), mais aussi les ministres-présidents des cinq Länder côtiers ont demandé au gouvernement fédéral à ce que la construction de bâtiments de surface soit enfin classée « technologie-clé » sur le plan national. Ce qui permettrait de s’affranchir des appels d’offres européens. « Nous réagissons vivement car les problèmes de TKMS peuvent avoir un impact sur toute la construction navale allemande qui va mieux mais reste un ensemble très fragile à moyen et long terme. En termes de conception et de savoir-faire, l’activité des chantiers civils et militaires se complètent dans leurs savoir-faire. Par ailleurs, à l’instar des chantiers Lürssen, les entreprises lissent leurs activités en travaillant de manière duale pour le civil et le militaire. Enfin, les sous-traitants des deux marchés sont globalement les mêmes, excepté peut-être pour l’électronique », a expliqué au JMM le porte-parole de l’IG Metall Küste. Pour Heiko Messerschmidt, l’affaiblissement d’un des plus gros chantiers navals allemands arrive à un très mauvais moment, alors même que les concurrents chinois et franco-italien accentuent la pression sur les segments couverts par les chantiers allemands, à savoir les navires de services (éolien offshore ou scientifiques), mais aussi les ferries, paquebots et yachts.
17 Md€
En 2017, les 7 groupes présents sur le marché allemand ont employé 15 795 personnes (59 200 en 1990) avec un carnet de commandes d’un volume global de 17 Md€ pour 53 navires. En 2017, 22 navires ont été livrés pour 12 nouvelles commandes.