Si seulement Rotterdam avait la “plateforme multimodale”

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Le port de Rotterdam, comme le port du Havre, a connu une excellente année 2017 pour le trafic des conteneurs, avec une croissance de 11 % à 13,7 MEVP. Une croissance portée par le trafic domestique et le transbordement. Aussi est-il intéressant de savoir que, dans les deux ports, la desserte terrestre fait objet d’une discussion animée.

Depuis plusieurs longues semaines maintenant, les terminaux ultra modernes de la Maasvlakte à Rotterdam semblent saturés. La raison majeure est que les escales des Ultra Large Container Ships (ULCS) de 20 000 EVP et plus concentrent dorénavant jusqu’à 10 000 mouvements de conteneurs sur un shift. Les exploitants spécialisés de terminaux comme APMT et RWG/DP World concentrent leurs efforts opérationnels sur le traitement des géants et voient leurs terminaux s’engorger faute d’évacuation rapide des boîtes. Malgré la planification stratégique des infrastructures multimodales par l’autorité portuaire de Rotterdam, les goulets d’étranglement terrestre ne cessent de s’amplifier. Les accès directs sur les terminaux dédiés pour les unités fluviales et les feeders, ces derniers étant prioritaires par rapport au fluvial, sont saturés. La planification de la manutention des barges est difficile et il est quasiment impossible de concevoir une escale fluviale à un quai dédié aux ULCS. Les sillons ferroviaires connaissent des problèmes aussi, mais moins graves. Le constat est sans appel: des problèmes pour l’évacuation des boîtes par les opérateurs fluviaux et ferroviaires (coûts en hausse et perte de temps), des clients mécontents et plus de conteneurs par la route (« backshift »).

Mais, comme on dit à Rotterdam, il faut se retrousser les manches. Le port travaille sur plusieurs solutions pour inverser la situation: une navette ferroviaire intra-terminaux Port Shuttle; le transfert par camion dans le port entre terminaux; Nextlogic (optimisation du transport fluvial); des terminaux intermodaux (Rotterdam Container Terminal, Rail Service Center Rotterdam, CTT); InlandLinks (outil en ligne pour le transport intermodal) ou le Container Exchange Route (prévu en 2020).

À Rotterdam, le fluvial représente 35 % du modal split. Les grands terminaux à conteneurs disposent d’un quai dédié au fluvial et aux navires feeders. Occasionnellement et en cas de besoin, il était prévu d’utiliser la capacité restante des quais et des portiques dédiée aux navires de mer pour servir les barges fluviales. Or, avec la forte croissance du trafic, cette dernière solution n’est plus viable. Ce n’est qu’exceptionnellement que les manutentionnaires sont prêts à recevoir les barges fluviales sur leurs quais, puisqu’ils privilégient la manutention des navires. Les armateurs sont les clients. D’autant plus que les portiques dédiés pour les ULCS ne sont pas adaptés pour les unités fluviales: moins efficaces et plus chers. Des solutions sont recherchées en opérant une « détour » des conteneurs, de sorte que les terminaux maritimes soient soulagés. Pour cela, le port de Rotterdam a repris à 100 % « Port Shuttle Rotterdam ». Cette société est un opérateur ferroviaire qui collecte et distribue les boîtes dans la zone portuaire entre les terminaux maritimes et terminaux multimodaux situé plus à l’est dans le port: le Rail Service Center Rotterdam et CTT. Outre ces navettes ferroviaires, les camions sont utilisés pour transporter les conteneurs vers les terminaux où il y a encore une capacité pour les trains et les barges.

Au Havre, la situation n’est pas encore au même stade de saturation de l’interface qu’à Rotterdam. Le fait qu’une bonne partie des conteneurs pour l’Île-de-France passe par les ports du Nord, illustre qu’il y a un retard à rattraper. Les experts qui prédisaient il y a bien longtemps que la bataille portuaire se gagne à terre n’ont jamais eu autant raison. Et cette bataille commence sur le terminal maritime. Une meilleure position concurrentielle nécessite l’optimisation de toutes les chaînes logistiques de conteneurs, qui à son tour ne sera réalisé qu’avec la coopération et l’engagement de tous les acteurs de ces chaînes: terminaux maritimes, armateurs, chargeurs, opérateurs fluviaux et ferroviaires, plateforme multimodale, terminaux intérieurs.

Sans congestion, pas de priorité sur l’efficacité

La montée en charge de la plateforme multimodale tend à démontrer que cette installation répondra adéquatement aux volumétries importantes que produisent les escales simultanées de plusieurs géants des trois grandes alliances mondiales qui touchent en premier le port du Havre en provenance d’Asie. Et cette même plateforme permet également de mieux faire face au défi de plus en plus important pour un port avec une part de « merchant haulage » importante pour mieux répondre aux exigences des chargeurs et des commissionnaires et réduire leurs coûts. Outre les armateurs, les chargeurs et les commissionnaires de transport, les opérateurs fluviaux et ferroviaires sont bénéficiaires de la plateforme. Ils réduisent les frais de stationnement, ils évitent la pluralité de terminaux à visiter, ils réduisent les temps d’attente et offrent une plus grande flexibilité et de fiabilité de leurs services.

Il est frappant de constater que les solutions actuellement retenues à Rotterdam soient très proches du concept de cette plateforme multimodale au Havre. Le plus étonnant est qu’il y a encore de l’opposition à la plateforme au Havre, qui est opérationnelle et fonctionne, et qu’on préconise un accès direct ou une chatière, des solutions à un prix élevé. Un développement regardé avec étonnement à Rotterdam, parce que le mélange de navires et de barges sur un terminal bien occupé est considéré comme hautement indésirable: trop cher, inefficace et perturbant pour la manutention des grands navires. Et d’autant plus qu’une éventuelle chatière ferait tort au fonctionnement de la plateforme. Et ainsi nous nous trouvons dans une situation étrange au Havre: tant qu’il n’y a pas de congestion, l’efficacité aux terminaux n’a pas de priorité. Donc les terminaux maritimes ont intérêt, à court terme, à pouvoir offrir l’accès direct afin de toucher des revenus supplémentaires des barges. Cependant, la pratique dans d’autres ports montre que cette méthode n’est pas viable à long terme, à condition que l’ambition de croissance soit partagée et réalisée. Si le transport intermodal et la position concurrentielle du Havre se développent, l’accès direct ne sera pas réaliste. La question se pose: à quel volume le conflit barges-navires se manifestera, comme à Rotterdam?

En attendant il est bon à savoir pour Rotterdam et Anvers que, malgré leurs propres problèmes de congestion, ils n’ont pas trop à craindre du premier port de France pour les conteneurs, tant qu’ils y sont encore embarqués dans un débat sur une chatière.

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