Le 23 juin 2017, le conseil de surveillance du Grand Port maritime du Havre a décidé de saisir la Commission nationale du débat public sur l’amélioration de l’accès fluvial à Port 2000. Du 20 octobre 2017 au 19 janvier 2018, la concertation a permis de recueillir les différents points de vue. Le 16 février 2018, la garante de la Commission nationale du débat public, Marianne Azario, a remis son rapport.
Port 2000 dispose actuellement d’un accès fluvial par la route Nord ou la route Sud pour les unités adaptées. Or, le sujet d’un accès direct pour toutes les unités fluviales a été évoqué dès les premières années de consultation lors de la construction du site en 1995. À l’époque, ce mode de transport balbutiait ses premiers pas dans la conteneurisation fluviale sur la Seine. Plus de 20 ans après, la conteneurisation fluviale séquanienne réalise une part de marché supérieure à 10 %. Pour maintenir cette dynamique, le Grand Port maritime du Havre (GPMH) a consulté les avis sur la meilleure solution à adopter pour améliorer l’accès au site de Port 2000 pour les unités fluviales. Dans le cadre de ce projet, trois options ont été présentées à la concertation: la première consiste en la création d’une chatière, à savoir un chenal de navigation entre la digue Nord de Port 2000 et la digue Sud du port historique. La deuxième propose l’optimisation du traitement des volumes sur le terminal multimodal dans sa configuration actuelle ou en prévoyant une extension de cet outil par des portiques et des quais supplémentaires. Enfin, le troisième choix doit permettre d’optimiser les routes Nord et Sud en agissant sur la réglementation, les conditions de chargement et de déchargement et l’exploitation des unités fluviales.
Si, au cours de la concertation, la nécessité d’augmenter le transport fluvial à Port 2000 a été reconnue unanimement. La discussion a surtout porté sur les différentes solutions proposées. Dans son rapport, la garante a mis en exergue des arguments favorables et des oppositions. Du côté positif, la chatière apparaît comme une infrastructure qui se construit pour le futur et représente un outil au service de l’axe Seine. Ensuite, disposer d’un accès fluvial direct offre au port un avantage concurrentiel face à ses concurrents d’Europe du Nord qui en sont tous pourvus. La chatière « est demandée par une grande partie des acteurs portuaires depuis de nombreuses années, cette requête est aussi soutenue par d’autres acteurs économiques et institutionnels », indique le rapport de la garante. Et elle va plus loin en soulignant que « l’État, le Grand Port maritime du Havre tergiversent autour de cette question depuis trop longtemps, selon les dires de certains acteurs ». Une infrastructure qui doit être construite en amont du projet de canal à grand gabarit entre la Seine et le Nord de l’Europe.
La chatière peut sécuriser le terminal multimodal
D’un point de vue fonctionnel, la chatière évite une rupture de charge. Elle peut être un levier de croissance de ce mode, elle peut servir pour des usages comme le soutage ou l’accès pour les colis lourds et, enfin, sécuriser le fonctionnement du terminal multimodal en cas de défaillance du réseau ferroviaire. Quant à son financement, il pourrait se faire avec des participations de l’Europe, de l’État et de la région. De plus, les opérateurs se sont prononcés en faveur d’un péage pour cette infrastructure.
Au passif de cette solution, la garante note plusieurs points et notamment l’incertitude que cette chatière aura un effet sur des volumes supplémentaires, elle fera peser un risque sur le terminal multimodal, la flotte la plus récente (convoi poussé) disposant déjà de la solution avec le terminal multimodal. D’un point de vue environnemental, cette infrastructure présente un risque pour l’écosystème local. Une construction qui doit être mesurée plus en détail. Ensuite, cette digue modifierait les courants et conduirait ainsi à l’augmentation du dragage à opérer à l’embouchure de la Seine. Enfin, financièrement, le coût est important et le risque de dépassement du budget également.
La solution d’adapter et d’améliorer le terminal multimodal a fait l’objet du même bilan. Au plan positif, ce terminal présente l’avantage d’être construit, de disposer d’une connexion au réseau ferroviaire européen et national. Son optimisation ne requiert pas d’investissement public mais d’améliorer les plages horaires, d’augmenter le personnel et les services. Du point de vue fonctionnel, le terminal peut absorber une activité croissante régulièrement chaque année. Les coûts de fonctionnement seront à revoir sous l’effet d’une hausse des flux diminuant le coût à l’unité. La rupture de charge peut être un vecteur de valeur ajoutée avec la proximité du parc logistique.
Faire de la rupture de charge une valeur ajoutée
Le terminal multimodal souffre de handicaps. Marianne Azario note dans son rapport que, si ce terminal « était si performant, tout convergerait par lui et les opérateurs ne supporteraient pas les surcoûts liés à l’utilisation de la route Nord ou Sud ». Quant à pouvoir capter entre 500 000 et 700 000 conteneurs supplémentaires, le terminal n’en sera pas capable. Enfin, cet outil est surtout dévolu au transport ferroviaire. Quant à son aspect fonctionnel, ce terminal crée une rupture de charge faisant peser un risque sur la compétitivité du fluvial. Quant au coût de la rupture de charge, le rapport note une « incertitude sur l’avenir de ce coût jusqu’au terminal multimodal ». Et la captation de flux logistiques avec cette rupture de charge n’est pas automatique d’autant plus que le terminal de Port 2000 est avant tout destiné à permettre l’évacuation vers l’hinterland des marchandises.
La troisième voie explorée, les routes d’accès Nord et Sud, a aussi été passée au crible. Si l’incitation à plus les utiliser a été posée, il ressort que cette solution est avant tout une façon de reporter sur les opérateurs fluviaux les investissements à réaliser. « La route Sud est pertinente car ne nécessite aucun franchissement d’écluses et elle permet le plus grand emport pour des unités fluviomaritimes; à partir de la route Sud, il pourrait être envisagé une massification des marchandises sur Rouen ». Et cela permettrait aussi de développer les liens entre Caen et Le Havre pour des flux conteneurs. Ce choix présente néanmoins des inconvénients. Elles apparaissent comme des solutions en attendant une liaison directe. Les contraintes techniques des bateaux sont telles que peu de navires en Europe sont aptes à assurer cette route. L’adaptation d’une unité coûte deux fois plus cher qu’un bateau classique. De plus, le nombre de hauteurs de conteneurs serait limité à deux ou trois. Cela signifie pour les opérateurs fluviaux de charger à 50 ou 80 % leur unité, soit un surcoût évident. Et ces routes dépendent en grande partie des conditions météorologiques.
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C’est le nombre en EVP du trafic fluvial de conteneurs des ports du GIE de Haropa. Un chiffre en hausse de 0,4 % et qui se décompose à 70 % en conteneurs maritimes et à 30 % en boîtes intrarégionales. Ce dernier segment a connu un dynamisme par la progression de la logistique urbaine.