Des drones cartographiant les fonds marins, l’élaboration de médicaments à base de ressources marines, des hélices réduisant la consommation énergétique… Dans l’économie maritime, qui regroupe un vaste champ d’activités (pêche, tourisme, transport, énergies marines…), l’innovation ouvrirait de sacrées perspectives à ce qu’on appelle désormais « la croissance bleue ». Le tout récent rapport du Ceser Atlantique, consacré au thème « Innovation et économie maritime », indique que, selon l’OCDE, l’économie de l’océan pourrait représenter d’ici 2030 environ 40 millions d’emplois, notamment avec une croissance rapide attendue « dans l’énergie éolienne offshore, l’aquaculture, la transformation du poisson et les activités portuaires ».
Maillons de cette économie de l’océan, les ports de la façade atlantique seraient parmi les acteurs de projets innovants au côté des centres de recherche, PME, start-up ou du monde associatif. Si ces « institutionnels » portuaires sautent le pas, c’est bien souvent dans une optique « d’augmenter la productivité », analyse Thierry Leneveu, du Ceser. « L’innovation vient notamment répondre à une recherche d’optimisation du temps et des espaces, de fluidité pour un gain en productivité et ainsi mieux concurrencer les grands ports du Nord. Mais il y aussi des projets innovants pour accroître la sécurité ou par préoccupation environnementale, pour répondre aussi à un besoin de réduction de la consommation énergétique qui est l’un des gros problèmes pour être compétitif face à la route ».
Des freins persistants
Sur le terrain, projets et initiatives, portés par les ports, se multiplient mais restent encore timides. Nerf de la guerre, l’investissement financier, parfois risqué, effraie, mais sur fond aussi de méconnaissances des soutiens existants (cf. encadré). Autres freins: des cadres réglementaires portuaires particulièrement complexes tout comme les risques de conflit d’usage sur un projet innovant et la nécessité de bien le planifier. Pour Robin Poté, du Critt Transport et Logistique au Havre, une des rares structures de la façade atlantique dédiée à l’innovation dans le transport, « les ports ont vraiment compris l’intérêt de travailler sur des projets innovants. Étant cependant centrés sur une activité régalienne, ils ne peuvent innover seuls sans le concours d’acteurs privés, ce qui nécessite de monter des consortiums et c’est là toute la difficulté, ces acteurs privés étant généralement concurrents sur une activité économique ».
Des alliances nécessaires
Le Ceser, pour qui l’innovation naît surtout d’une « fertilisation croisée », préconise sans détour l’alliance et la collaboration avec des écosystèmes locaux, mais aussi entre ports de la façade atlantique. « La concurrence n’est plus inter-régions mais à l’échelle internationale, d’où la nécessité de s’unir, de partager des ressources, créer un observatoire, une feuille de route commune… », affirme le Ceser. Michel Le Van Kiem du Département innovation du port de Bordeaux, lui, en est persuadé: « Rester dans un vase clos ne favorise pas l’innovation. Par exemple, un port tout seul ne peut pas mettre un budget conséquent en R& D informatique, la constitution d’un GIE pour VigieSip offre une vraie solution pérenne dans le temps. Ce sont nos entreprises qui sont concurrentes, la méthodologie entre ports, elle, peut se partager ».
Surtout technologique, basée sur des équipements en logiciels ou sur la traçabilité des produits, l’innovation portuaire aurait d’ores et déjà parcouru un premier tiers du chemin. Pour Robin Poté du Critt, « même si on ne peut pas parler dans les ports d’innovation de rupture, la révolution est en marche et le mouvement va s’accélérer avec l’arrivée des objets connectés, le big-data, l’intelligence artificielle, soit des technologies de plus en plus fiables et accessibles financièrement ».