Depuis l’annonce le 1er juillet 2017 par gouvernement d’une « pause » pour la vingtaine de projets de nouvelles infrastructures de transports dont fait partie le futur canal à grand gabarit Seine-Nord Europe (SNE), la mobilisation des élus, des collectivités, des organisations professionnelles représentatives, des acteurs économiques et des associations a gagné en ampleur. Leur objectif est de convaincre le gouvernement qu’il faut poursuivre le projet SNE.
Le gouvernement a expliqué la « pause » par des raisons financières: il y aurait un écart de 10 Md€ entre le coût des projets à financer et les ressources disponibles sur les 5 ans à venir pour honorer tous les engagements pris par l’État pour la réalisation de nouvelles infrastructures de transport. La « pause » doit aussi permettre la conduite des « Assises de la mobilité », lancées le 19 septembre, concertation sur les orientations de la politique des transports. Cette démarche doit aboutir au premier semestre 2018 à une loi de programmation et de financement des infrastructures, fixant une programmation quinquennale des investissements, équilibrée en ressources et en dépenses.
Le coût de la construction de SNE est estimé à 4,5 Md€ réparti entre l’Union européenne, les collectivités et l’État. Pour boucler le tour de table, un emprunt de 700 M€ devrait être contracté par la Société du canal Seine-Nord Europe et remboursé par les recettes liées à ce projet. Selon le premier ministre Edouard Philippe, le 19 juillet à l’Assemblée nationale, la principale préoccupation porte sur cet emprunt de l’État dont « jusqu’à présent nul n’a proposé de prendre la garantie et dont personne n’a identifié la recette affectée qui permettrait de rembourser le capital ».
Les présidents des départements Nord, Pas-de-Calais, Somme et Oise, des régions Ile-de-France et Hauts-de-France ont répondu lors d’une conférence de presse le 12 septembre en proposant « de garantir l’emprunt. (…). Ce qui veut donc dire pour l’État qu’il n’a plus à intervenir dans la garantie de l’emprunt, et que donc le niveau, le montant de la garantie de l’emprunt ne rentre pas dans ses critères d’endettement ». Le problème de la garantie étant que l’État doit inscrire la somme à son déficit, ce qui peut le conduire à ne plus respecter la règle européenne des 3 % maximum de déficit. Les élus ont confirmé leur proposition de « prendre le relais de l’État jusqu’en 2019 pour permettre le démarrage du projet »: cela signifie qu’ils acceptent d’avancer l’argent à la place de l’État pour les deux premières années de travaux. Ils ont demandé à reprendre la responsabilité et la direction du canal ce qui conduirait à une régionalisation de la Société du canal aujourd’hui établissement public d’État.
Deux ultimatum au gouvernement
La mobilisation autour du projet SNE a atteint un point culminant le 15 septembre à Péronne où les présidents des départements et des régions de tous bords politiques pour mettre la pression sur le gouvernement ont tenu une réunion publique à laquelle plus de 500 personnes ont participé. Xavier Bertrand, président de la région Hauts de France a posé un premier ultimatum: « À la mi-octobre, le gouvernement doit nous dire définitivement si c’est oui ou si c’est non », compte tenu des dernières propositions des collectivités pour le financement du projet. Un deuxième ultimatum porte sur le redémarrage du conseil de surveillance de la Société du canal qui ne fonctionne plus depuis juin avec les départs de Marc Papinutti, devenu directeur de cabinet d’Elisabeth Borne, et de Gérald Darmanin, devenu ministre de l’Action et des Comptes publics. Edouard Philipe a réagi le 19 septembre lors du lancement des Assises de la mobilité: « Les collectivités locales ont fait un effort en proposant de verser en premier leur contribution, repoussant d’autant les paiements de l’État. C’est un geste significatif ». Il a précisé avoir « chargé Gérald Darmanin et Elisabeth Borne de réfléchir et d’analyser une solution reposant sur la transformation de la Société du canal d’établissement public de l’État en établissement public local, les collectivités locales assumant la conduite du projet, ce qui est inédit pour une réalisation de cette ampleur ». Mais pour le premier ministre, il faut encore « trouver la solution pour l’emprunt » et la question de la « recette affectée ». Les deux ministres vont y travailler pour « garantir les recettes permettant de rembourser l’emprunt et, plus généralement, comment financer l’opération, en mettant en place une ressource compatible avec la logique de report modal qui est au cœur de ce projet ». Edouard Philippe a conclu: « La réflexion sur le projet n’est pas arrêtée (…). La décision, ni dans un sens ni dans l’autre, n’est prise. Le travail est indispensable. Il est en cours, il se fait avec beaucoup de bonne volonté », de la part des élus et du gouvernement. À ces déclarations, Xavier Bertrand a répondu: « Les collectivités sont disponibles pour avancer et réunir avant la fin du mois le conseil de surveillance » de la Société du canal.