Un projet avait été lancé par l’État colombien pour rendre le fleuve Magdalena navigable dans son intégralité. Le but est de faciliter l’acheminement des marchandises produites à Bogota, premier centre économique du pays, jusqu’aux trois grands ports situés aux abords de l’embouchure du Magdalena: Barranquilla, Carthagène des Indes et Santa Marta.
Tout était en place. L’agence gouvernementale Cormagdalena avait passé une alliance public/privé, une méthode classique en Colombie pour les grands projets structurants, avec un consortium, Navelena SAS. Et le consortium, de son côté, avait trouvé les financements nécessaires auprès de la banque japonaise Sumimoto. Odebrecht était l’actionnaire majoritaire du consortium. Quand le scandale impliquant le géant brésilien a éclaté, la banque japonaise a préféré se retirer, et avec elle les 250 M$ qu’elle avait engagés dans le projet. Le consortium a cherché d’autres investisseurs, sans succès, jusqu’à ce que tombe l’ultimatum de Cormagdalena. L’alliance public/privé a été déclarée caduque.
Le scandale Odebrecht secoue toute l’économie colombienne. Des enquêtes sont en cours pour connaître ceux, parmi les politiques, chefs d’entreprises ou fonctionnaires qui auraient profité des largesses de la société brésilienne. À ce premier scandale s’en greffent d’autres, comme celui d’un prêt de 36 M€ accordé par le Banco Agrario à Navalena, et donc à Odebrecht. Ou encore celui de l’attribution de l’adjudication à Navalena, les autres candidats à l’appel d’offres s’étant retirés de la course en cours de route. Certains de ces candidats sont soupçonnés d’avoir reçu de l’argent d’une filiale d’Odebrecht pour ne plus répondre à l’appel d’offres.
Nouveau rebondissement
Dans les jours suivant la décision d’annuler l’alliance prévue avec Navalena, nouveau rebondissement: Cormagdalena a reçu une proposition de la société Power China Limited Colombia. Elle se propose de reprendre le projet, d’en assurer les études techniques, juridiques et financières, puis la réalisation. L’ensemble des aménagements prévus, dragage et endiguement du fleuve, représente un investissement total de près de 800 M€. Un nouvel appel d’offres devrait être lancé pour une adjudication en décembre. Ceci afin de redémarrer le projet dès 2018.
Ces péripéties ont aussi donné l’opportunité aux armements qui assurent actuellement le transport fluvial entre Bogota et les ports côtiers d’exprimer leurs souhaits concernant l’aménagement du Magdalena. Par la voix de la Fédération nationale des armements, ils ont fait part de leurs critiques à l’égard d’endiguements déjà prévus et qui ne leur semblent pas prioritaires, et du besoin de dragages sur des zones précises du fleuve. Surtout, la fédération demande que soit garantie une profondeur d’au moins neuf pieds sur la partie aval du fleuve, pour y assurer le passage de convois de péniches.
Échouages à Barranquilla
Le dragage du Magdalena pose problème à plusieurs niveaux. Et surtout aux abords de Barranquilla, un des principaux ports de Colombie, situé sur le fleuve à une dizaine de kilomètres de son embouchure sur l’Atlantique. Ainsi, un nouveau pont a été construit en aval du port, mais sans études d’impact avant sa réalisation. Aujourd’hui, le pont inquiète les opérateurs portuaires de Barranquilla parce qu’il provoque une sédimentation accrue du fleuve. En 2016, pas moins de quatre dragages ont dû être réalisés. Malgré cela, une dizaine de navires ont dû être déroutés vers d’autres ports, le fleuve n’étant alors plus suffisamment profond pour assurer leur passage. Et au cours des derniers mois, quatre navires s’y sont échoués.