Les opérateurs portuaires indiens voient en l’automobile un secteur de plus en plus prometteur pour développer leurs navires rouliers ainsi que le cabotage. En effet, la réforme de la TVA unique (dite GST en anglais, Good and Services Taxes), entrée en vigueur le 1er juillet – et qui fusionne les taxes des différents États en quatre taxes nationales –, devrait particulièrement bénéficier au secteur automobile local. Moins taxés, les constructeurs locaux envisagent de baisser leurs prix et de vendre davantage. Un développement qui tombe à pic pour accroître le transport maritime côtier comme l’envisage le gouvernement de Narendra Modi. Au travers du projet Sagarmala, présenté l’an dernier, l’Inde s’est fixé pour objectif de développer sur le modèle chinois des zones économiques côtières. Ce programme envisage la construction de nouveaux ports pour exploiter un littoral long de 7 517 km, de pôles industriels et la mise en place de près de 142 terminaux de fret dans les principaux ports.
Au Gujarat, le port de Piparav prévoit d’ores et déjà de tripler la charge de voitures manœuvrées via des navires rouliers pour la faire passer à 300 000 véhicules d’ici à 2020. « Ce segment “performe” bien. Nous avons démarré cette activité à la fin du mois d’août 2015, et avons, au premier trimestre 2017, transporté environ 25 000 voitures », a estimé le directeur exécutif du port (détenu par APM Terminals), Keld Pedersen. « L’objectif est d’atteindre les 100 000 véhicules sur l’année. » Pour l’heure, le port compte Ford Motors et Honda Motor parmi sa clientèle et espère bien récupérer Suzuki Motor qui prévoit d’implanter une usine prochainement dans cet État.
Des terminaux dédiés
Le port gujarati est loin d’être le seul sur ce créneau. Plus au sud, Mumbai Port Trust, par exemple, compte à son actif le plus grand nombre de voitures exportées via ce système en 2016-2017 (exercice clos fin mars). Un volume supérieur de 20 % à celui de l’année précédente, avec plus de 200 000 véhicules expédiés.
Certains ports ont donc pris la décision de faire construire des terminaux dédiés au secteur automobile. C’est le cas de Jawaharlal Nehru Port Trust (JNPT), situé à Navi Mumbai. Le plus grand port à conteneurs du pays envisage d’installer une plate-forme dédiée au transport roulier dans un port satellite qu’il prévoit de construire à Wadhwan. Il en est de même dans l’Andhra Pradesh, où le port de Krishnapatnam veut également avoir à disposition ce type de plate-forme. La perspective de l’ouverture d’une usine Kia Motors, deuxième constructeur coréen, à Anantapur, en 2019, étant une incitation supplémentaire pour lancer ce type de projet.
Certains acteurs considèrent néanmoins que ce n’est pas sans risque. Comme l’indique Ravi Parmar, président de Kandla Port, « le port de Chennai traite de l’ordre de 250 000 voitures par an (pour les exportations) et il s’agit là du chiffre le plus élevé du pays. Cependant, en cas d’exportations, les fluctuations des monnaies internationales peuvent souvent impliquer des changements de politiques. On peut donc considérer ce fret comme volatil ». Les choses pourraient évoluer avec le développement du marché domestique. D’ailleurs, du port de Chennai partent aussi, depuis 2016, des véhicules fabriqués en Inde et dédiés au marché indien. En 2016, en effet, Hyundai Motor avait, pour la première fois, opté pour la voie maritime pour transporter plus de 800 véhicules entre les ports de Chennai et celui de Pipavav, au Gujarat. Bien que des incitations financières soient prévues, pour l’heure, le temps de voyage reste encore deux fois moins long par la route que par voie maritime. D’autant que la mise en place de la TVA unique devrait réduire les temps d’attente des camions qui passent d’un État à un autre. « En plus, il faut avoir un pavillon indien pour se lancer sur ce type de business côtier », souligne un acteur français. Ces inconvénients pourraient néanmoins bien vite céder face à la nécessité de désengorger le rail et la route.