NileDutch: « Nous sommes très spécialisés dans la desserte de certains pays africains, c’est notre force »

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Journal de la Marine Marchande (JMM): Il y a plus d’un an, NileDutch faisait son retour dans le secteur du conventionnel sur la relation Europe/Afrique de l’Ouest. Êtes-vous parvenus à développer des synergies avec certains de vos services conteneurisés?

Leo Huisman (L.H.): Cette opération nous a permis d’obtenir de nouveaux clients, mais aussi des clients des services conteneurisés qui ont répondu positivement à cette nouvelle offre. Cela a été par exemple très positif vis-à-vis de l’escale de Sao Tomé. Ce port est un marché spécialisé pour le conventionnel, que nous touchons avec notre service feeder au départ de Luanda d’où nos clients disposent d’une offre mondiale. Grâce à ces synergies, de nouveaux marchés se développent.

J.-M. Thiebaut (J.-M.T.): Nous avons désormais un outil additionnel, un élément d’appoint pour les clients traditionnels qui adoptent le conteneur. Ils ont également besoin d’un support pour du conventionnel et leurs projets, ce qui implique de notre côté d’autres démarches. En fait, c’est plus que de la synergie. C’est l’offre d’un paquet de services supplémentaires. Nous opérons dans un marché particulièrement difficile. Même si des ports se sont améliorés et qu’il y a plus d’équipements par rapport aux situations antérieures, il y a toujours des limites. Il y a un manque crucial de personnel qualifié sur les quais et, partant, la productivité, la rentabilité laissent beaucoup à désirer.

JMM: Comment voyez-vous l’évolution de NileDutch MPV alors que la façade maritime de l’Afrique de l’Ouest comptera d’ici à 2019 sept nouveaux terminaux ultramodernes, aptes à réceptionner des porte-conteneurs jusqu’à 14 000 EVP, que les exploitants voudront remplir, raflant à bas taux ce qui restera du conventionnel?

L.H.: Le secteur des navires polyvalents relève d’un marché très spécialisé. C’est ce qui ressort des marchandises que nous transportons, ainsi que des projets. Ils doivent nécessairement être livrés dans des ports précis pour la bonne raison que les opérations de transbordement sont trop chères en Afrique.

J.-M.T.: Il faut tenir compte des coûts en Afrique. Le nouveau terminal à Matadi est très cher, 30 % plus cher que les ports traditionnels. Le déchargement des conteneurs est cher, tout comme le dédouanement des boîtes. À supposer que les taux de fret conteneurs attirent certaines cargaisons conventionnelles, ces dernières devront supporter les frais précités, plus ceux inhérents aux livraisons dans l’hinterland. Ces éléments expliquent pourquoi, depuis quelque temps, des cargaisons en big bags retrouvent le chemin des navires polyvalents.

L.H.: Le gigantisme et les économies d’échelles du transport en lignes régulières conteneurisées sont des facteurs réels, mais il faut tenir compte des exigences des clients qui veulent des transports directs, sans transbordements, et dans des ports précis en fonction de délais de transit également précis. Cela est très important pour la desserte du marché africain.

JMM: Quand NileDutch MPV va-t-il renouer avec un service aller-retour au lieu d’un simple trajet vers l’Afrique de l’Ouest?

J.-M.T.: Nous venons de commencer une telle rotation complète avec un premier navire polyvalent affrété pour plusieurs mois, une unité de 12 500 tpl gréé à 160 t. Nous allons poursuivre cette stratégie, ce qui permettra de mieux fidéliser la clientèle en offrant un service de qualité northbound pour des commodités traditionnelles ainsi que pour des équipements à réparer et entretenir. Les premiers contrats sont bons. D’autre part, nous allons essayer d’accélérer la fréquence du service. Au lieu d’un départ toutes les trois semaines, nous évoluerons vers deux départs par mois, ceci en fonction de ce que la clientèle décidera. Pour l’instant, le marché des projets est encore difficile étant donné qu’il y a moins d’investissements en Afrique. Nos concurrents ont soit disparu, soit réduit leurs fréquences. Autre tendance que l’on remarque en Afrique de l’Ouest, la volonté des clients d’avoir des livraisons directes, pour la bonne raison que le stockage étant devenu trop cher, ils y renoncent au profit de cette stratégie du flux tendu pour le conventionnel.

JMM: En ce qui concerne vos services conteneurisés, ne craignez-vous pas qu’un scénario comme celui que nous connaissons dans le secteur est-ouest se manifeste avec des conséquences néfastes, comme la surcapacité due à la croissance des échelles, l’instabilité et la chute des taux?

L.H.: Ce type de scénario peut être annihilé et commence à l’être sur certaines routes. Nous opérons en conteneurs depuis l’Europe du Nord, l’Asie/Chine, la côte Est des États-Unis et l’Amérique du Sud, la Méditerranée, ce qui implique dans divers cas des escales à Algésiras. Il est vrai que sept grands terminaux à conteneurs ultramodernes devraient être opérationnels d’ici à 2019, mais ils vont se livrer à une forte concurrence. Ceci étant, il y a eu des rationalisations en matière de services. Entre l’Asie et l’Afrique de l’Ouest, nous participons au seul service direct hebdomadaire assuré avec une flotte de 12 porte-conteneurs de 6 000 EVP à 8 000 EVP. Il s’agit d’un VSA constitué avec CMA CGM, Mærsk Line, Cosco et PIL, au sein duquel nous intervenons avec un porte-conteneurs affrété de 7 000 EVP. Ce service axé sur Luanda et Pointe Noire a permis de stabiliser la relation offre/demande. Et ça marche parfaitement. Le trafic entre l’Asie et le Brésil était catastrophique début 2016, avec des taux de 50 $/EVP entre Shanghai et Santos. Conséquence, toutes les parties concernées se sont mises ensemble dans le cadre d’un VSA regroupant CMA CGM et Hamburg Süd. Sont cochargeurs Mærsk Line et Hapag-Lloyd. NileDutch aligne un des six navires de 3 600 EVP. Ce concept a pour résultat d’assurer un meilleur service aux clients, de ramener pour l’instant la stabilité avec des taux raisonnables. Il y a donc des développements positifs. Évidemment, l’introduction de plus grands porte-conteneurs implique l’intervention de services feeders, or nous avons le nôtre animé par trois unités de 1 000 EVP qui desservent plusieurs ports. Néanmoins, il sera extrêmement difficile pour des nouveaux venus de s’insérer dans ces trafics. Je tiens d’ailleurs à signaler qu’actuellement on n’enregistre aucun nouveau venu dans le trafic entre l’Asie et l’Europe. Là aussi le marché se ferme. La norme pour concurrencer se situe maintenant au niveau de porte-conteneurs entre 14 000 EVP et 20 000 EVP.

JMM: Dans un marché assez faible, la position de cochargeur n’est-elle pas un handicap?

L.H.: Le marché de l’Afrique de l’Ouest se redresse progressivement après une période particulièrement néfaste qui a marqué des pays producteurs de pétrole comme le Nigeria ou l’Angola. Le prix du baril a quelque peu remonté au niveau de 50 $. Heureusement, car tous les armements ont perdu de l’argent l’année dernière, alors que les coûts portuaires ne diminuaient pas. Il a donc fallu réduire les coûts, réaliser des coopérations pour arriver progressivement à un stade de normalisation, avec des niveaux de taux qui se redressent.

JMM: Votre partenaire CMA CGM, avec qui vous collaborez dans deux services au départ d’Europe du Nord, vient d’introduire deux porte-conteneurs de plus de 4 000 EVP dans le service Euraf1, alors que la norme était jusqu’ici de 3 500 EVP. Allez-vous suivre cette tendance?

L.H.: Il n’est pas dit que l’intervention de porte-conteneurs Panamax sur la route Europe-Afrique de l’Ouest s’avérera meilleur marché. Il y a des problèmes de tirant d’eau, de consommation de fuel, des restrictions de longueur dans certains ports. Nous avons déjà des unités plus grandes dans notre service Wewa, de 3 500 EVP à 3 600 EVP, ce qui est déjà suffisant. Et il faut des grues à bord. Or il y a peu de porte-conteneurs de plus de 4 000 EVP qui en ont. D’autre part, le coût du slot d’un 4 000 EVP est pratiquement le même que celui d’un 3 500 EVP.

JMM: Aujourd’hui, tout semble indiquer qu’en matière de lignes régulières conteneurisées, l’avenir résiderait dans la dimension des entreprises. Pourrait-on envisager une relation plus étroite avec votre partenaire CMA CGM? NileDutch est-il encore rentable?

L.H.: Outre CMA CGM qui est un excellent partenaire, plusieurs armements sont intéressés à notre entreprise, mais nous sommes toujours rentables. Nous avons une bonne balance financière et, jusqu’ici, nous avons démontré que dans un marché particulièrement difficile nous pouvions survivre. Nous sommes très spécialisés dans la desserte de certains pays africains, c’est notre force. L’année 2017 sera bien meilleure que la précédente. Les pays africains ont plus d’argent et doivent exporter plus, ce qui est positif.

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