L’Europe a deux griefs: l’obligation faite aux entreprises de la manutention d’entrer au capital des sociétés de gestions du personnel (Sagep), et de recourir prioritairement à celles-ci pour leurs besoins de main-d’œuvre. Le décret-loi royal en date du 24 février lève ces deux obligations, mais va plus loin. Il prévoit la disparition progressive des Sagep sur une période de trois ans, ce que le tribunal européen ne demandait pas explicitement. La réforme ouvre la possibilité aux manutentionnaires de recourir au personnel des entreprises de travail temporaire, sous réserve de respecter un certain nombre de critères de qualification professionnelle. Le décret-loi a cependant été rejeté par le parlement espagnol le 16 mars.
Le principal opposant aux velléités de réforme du gouvernement est le syndicat Coordinadora Estatal de Trabajadores del Mar (CETM), appelé Coordinadora. Certes, il existe d’autres organisations, membres des confédérations espagnoles (UGT, CCOO, etc.), mais Coordinadora dispose d’une majorité écrasante au sein des instances de représentation dans les principaux ports espagnols: Algésiras, Barcelone et Valence.
Une « négociation sérieuse et rigoureuse »
En « ouvrant » l’embauche, la réforme demandée par les instances européennes accorderait plus de flexibilité aux entreprises de manutention et permettrait de tirer à la baisse le niveau des rémunérations. Coordinadora demande une « négociation sérieuse et rigoureuse » afin d’aboutir à une réforme qui respecte les demandes européennes tout en protégeant l’emploi et les conditions de travail. Le syndicat reconnaît l’existence de sureffectifs et demande des indemnisations généreuses (80 % du salaire pour les préretraites avec un plancher équivalent à trois fois le Smic). Les syndicats demandent surtout que le contenu de ce futur accord ait valeur juridique et soit mentionné dans le décret-loi: il s’imposerait à toutes les parties, dans tous les ports espagnols. Le gouvernement espagnol écarte cette possibilité et plaide pour un accord entre les partenaires sociaux.
Du côté patronal, Anesco (Asociacion Nacional de Empresas Estibadoras y Consignatarias de Buques), l’association des entreprises consignataires et de manutention, on affirme aussi vouloir « se conformer » aux changements demandés par la Commission européenne et sa « volonté de dialogue » avec les syndicats.
L’organisation revendique des changements dans le mode d’organisation du travail qui vont dans le sens de la flexibilité: possibilité de réduire la composition des équipes de travail (« manos »), possibilité d’allongement de la journée de travail (de 6 heures à 8 heures), etc. Cette nouvelle organisation impliquera une réduction des effectifs, et Anesco demande aussi des aides publiques pour les salariés affectés.
Le ministère de l’Équipement, de son côté, se trouve confronté à la pression de la Commission et n’a qu’un but: concrétiser la réforme. Faute de mise en conformité, l’État espagnol est actuellement à l’amende (27 522 € par jour), et un alourdissement devrait intervenir au cours des prochains mois si la réforme n’est pas adoptée. Il y a donc urgence. Le 28 février, une négociation s’est ouverte entre Anesco et les syndicats, qui se poursuit. À ce stade, une seule certitude: il n’y aura de sortie de crise que par le biais d’un accord négocié entre patronat et syndicats.
Le point de vue
Le porte-parole du gouvernement espagnol, Iñigo Mendez de Vigo, a appelé à la responsabilité des groupes politiques parlementaires pour approuver la réforme de la manutention portuaire. Il a souligné, lors d’une conférence de presse, qu’en l’absence d’un vote pour cette réforme l’Espagne pouvait être condamnée à une amende de 21 M€.
ICTSI et PSA ouvrent un terminal en Colombie
Le 14 mars, la Sociedad Puerto Industrial de Agualduce a inauguré le nouveau terminal du port colombien de Buenaventura. Composée du manutentionnaire philippin Ictsi et du Singapourien PSA, la société gestionnaire de ce terminal a investi 550 M$. Cet outil offre à la Colombie la possibilité d’accueillir désormais des navires de 18 000 EVP de capacité grâce à la mise en place de quatre portiques neo-post-Panamax. Dans sa première phase, le terminal dispose d’une capacité de 550 000 EVP par an. Il est doté d’un quai de 600 m avec une profondeur de 14,5 m et une aire de stockage de 128 ha. En outre, il dispose de 324 prises pour les conteneurs reefers. Le terminal vrac est estimé à une capacité de 2 Mt par an. La phase 2 de ce terminal est prévue pour les prochaines années et sera dimensionnée en fonction de la croissance de la première phase.