Avec la réforme territoriale et le passage effectif depuis le 1er janvier 2016 de 22 à 13 régions, les directions territoriales (DT) Strasbourg et Nord-Est de Voies navigables de France (VNF) se retrouvent toutes les deux au sein d’une même entité régionale. Il s’agit de la région Grand Est qui regroupe l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine.
Pour marquer leur coopération existante précédemment mais renforcée par la fusion des trois régions en une seule, les directeurs des deux DT ont organisé une conférence de presse commune le 1er février à Strasbourg, capitale du nouvel ensemble régional. Pour les directions des deux DT, se retrouver au sein d’une même nouvelle région constitue un point positif en leur donnant un interlocuteur identique dont le rôle a été renforcé en matière de développement économique et touristique. Concernant le transport fluvial de marchandises, si les deux DT font partie de la même région Grand Est, le bilan des trafics de l’année 2016 apparaît bien différent pour l’une avec le Rhin, pour l’autre avec la Moselle.
La filière BTP tire la croissance sur le Rhin
Avec 19,6 Mt, le Rhin présente un essor de 4 % en 2016 par rapport à 2015. Guy Rouas, directeur territorial Strasbourg, a souligné que ce fleuve « renoue ainsi avec ses niveaux de trafic de 2014 après le repli enregistré en 2015 à cause des basses eaux ». Sur le réseau à petit gabarit de la DT Strasbourg, le trafic atteint 160 t, en hausse de 18 % en 2016. Si le trafic céréalier à l’exportation affiche une chute de 20 % à 1,1 Mt, il a résisté à l’importation (400 000 t, + 10 %) sur le Rhin. La mauvaise campagne céréalière a été largement compensée par un essor des matériaux de construction (BTP) sur le Rhin. Les hydrocarbures sont à la peine en 2016 après une année 2015 soutenue. Les chiffres du tourisme fluvial apparaissent positifs avec 293 000 passagers à l’écluse de Gambsheim.
Diversifier les trafics sur la Moselle
Avec 4,9 Mt de marchandises transportées à l’écluse d’Apach, le trafic sur la Moselle canalisée enregistre un repli de 10 % en 2016. Didier Dieudonné, directeur régional Nord-Est, a indiqué que « l’évolution baissière s’explique par les types de trafics, naturellement tournés vers la sidérurgie, le charbon et dont les tonnages transportés diminuent depuis plusieurs années avec les fermetures successives de centrales thermiques ». La dernière, située à Pont-à-Mousson, a définitivement clos ses portes en 2016.
Les céréales constituent un autre trafic important avec le port de Metz, premier port intérieur céréalier du bassin Nord-Est. Metz a souffert de la mauvaise campagne céréalière avec des effets qui vont se poursuivre en 2017. Un autre port important sur ce bassin est celui de Givet, ouvert sur le réseau à grand gabarit belge vers Namur et Liège. Givet a bénéficié d’investissements afin de profiter de cette localisation géographique favorable et entamé une diversification, notamment vers les produits de carrière avec une extension portuaire spécifique ainsi que vers les céréales. « Le bassin de la Moselle dans sa partie française doit évoluer vers d’autres types de trafics de marchandises à plus haute valeur ajoutée, a souligné Didier Dieudonné, passer des pondéreux aux conteneurs et aux marchandises diverses. La montée en puissance des nouveaux trafics sera progressive compte tenu du contexte économique général assez peu porteur. » L’évolution doit aussi se traduire par une gestion différente des ports avec des fins de concession programmées pour le 31 décembre 2018 pour les ports de Thionville, Metz-Mazerolle, Nouveau port de Metz et Nancy-Frouard. La fin des concessions et la mise en place éventuelle de nouvelles structures juridiques constitue un sujet commun aux deux DT (voir encadré page suivante).
Des investissements en 2016 et 2017
En 2016, la DT Strasbourg a dépensé 15 M€, se décomposant en 8 M€ de budget de fonctionnement et 7 M€ d’investissements, dont 1 M€ affectés en cours d’année au titre du plan de relance. Parmi les chantiers importants menés en 2016, il faut citer la reconstruction et la modernisation du barrage de Rahin sur le canal du Rhône au Rhin, le lancement de la reconstruction de la passerelle de l’écluse de la Petite France à Strasbourg, la rénovation complète de l’écluse 28 de la Sarre canalisée. En 2017, « les perspectives sont favorables, selon la DT Strasbourg, le budget alloué étant fixé à 18 M€ et se répartissant en 10 M€ de fonctionnement et 8 M€ d’investissement ». Parmi les travaux prévus en 2017 figurent notamment l’ouverture du système d’information fluvial du Rhin supérieur (SIFRS) à l’ensemble des usagers, le lancement des études pour une opération de remise en état de l’écluse de Gambsheim en 2019-2020. La DT Strasbourg a indiqué que « la charte de partenariat » avec la ville et l’eurométropole de Strasbourg devrait être signée « rapidement pour des réalisations à court et moyen terme ». Avant 2020, par exemple, VNF entend favoriser le développement de solutions de logistique urbaine autour des déchets ou de l’enlèvement de déblais et la dépose de matériaux de chantiers. Des solutions provisoires pourraient être mises en place avec une volonté affichée de les valoriser à long terme.
En 2016, la DT Nord-Est a investi 17 M€ consacrés à la poursuite du programme de régénération des ouvrages de la Moselle, changement de portes d’écluse ou restauration de barrages, ainsi qu’à l’entretien du réseau grand et petit gabarit. L’année 2016 a aussi été marquée par la poursuite du projet de reconstruction de 23 barrages sur l’Aisne et de six sur la Meuse dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) signé en 2013 entre VNF et Vinci. Les travaux ont commencé en 2015, la moitié des barrages ont été construits, leur mise en service devrait intervenir de manière progressive en 2017. L’ensemble du projet devrait être achevé en 2020 pour un montant total de 312 M€ HT dont 273 M€ d’investissements et 256 M€ de travaux. Le PPP prévoit une concession à Vinci pour 30 ans. À l’issue de ce délai, la DT Nord-Est récupérera la gestion de tous les barrages. En 2017, cette dernière bénéficiera d’un budget de 18 M€ qui sera employé à la poursuite de la régénération des ouvrages et à l’entretien du réseau « en s’orientant progressivement vers de la maintenance préventive plutôt que curative ».
Gérer le devenir des concessions des ports publics
Pour Voies navigables de France, « la gouvernance des ports constitue un levier majeur du développement à long terme des plates-formes fluviales ». Sur la Moselle, elle représente un enjeu à court terme avec une échéance des concessions le 31 décembre 2018 pour les quatre ports publics de Nancy-Frouard, Metz-Mazerolle, Nouveau port de Metz, Thionville-Illange. Cette voie navigable compte aussi une quinzaine de ports « privés » dédiés à l’activité industrielle d’une seule entreprise et participant à hauteur de 50 % du trafic total. Sur le Rhin, les concessions des ports de Mulhouse-Rhin (PMR) et de Colmar sont arrivées à échéance et une solution transitoire a été mise en place. La solution définitive va consister en l’instauration d’un nouveau système de gouvernance avec un Syndicat mixte ouvert (SMO) pour le pilotage stratégique des ports, et une structure de type Société d’économie mixte à opération unique (Semop) pour la structure d’exploitation. Les statuts du SMO pour les PMR et celui pour Colmar sont en cours de construction, précisant les apports fonciers et financiers des différents partenaires que sont VNF, les CCI, les collectivités locales, les sociétés privées. Un plan stratégique et un business plan sur 10 ans sont prévus. Pour les quatre ports de Moselle, cette option SMO et Semop fait partie des solutions envisagées au même titre qu’un renouvellement des concessions ou une voie intermédiaire. « Les solutions dépendent du contexte local, selon la DT Nord-Est, et doivent tenir compte des caractéristiques des quatre ports publics mosellans qui côtoient des sites privés. » Une gouvernance unique des quatre ports ou un regroupement d’un maximum de plates-formes au sein d’une seule et même entité est envisagée. Une décision pourrait intervenir à la fin du premier semestre 2017.
Pour la concrétisation des projets de gouvernance des ports sur le Rhin et la Moselle, la région Grand Est peut jouer un rôle clé pour fédérer l’ensemble des acteurs concernés.