Le 16 janvier, China Merchants Ports Holdings Company Ltd (CMPH) a annoncé la création de l’Asset Joint Company chargée d’investir dans la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ). Les actionnaires de cette filiale sont le groupe CMPH et la China Merchants Shekou Industrial Zone. La filiale ainsi créée sera actionnaire à 30 % de la Djibouti Asset Company, au côté du port de Dalian (10 %) et de la filiale d’exploitation (60 %). Celle-ci est totalement détenue par le groupe CMPH, le port de Dalian et China Merchants Shekou Industrial Zone. Elle contrôle 60 % du capital de Djibouti Operating and managing Company au côté de Great Horn, filiale de Djibouti Ports & Free Zones Authority (40 %).
CMPH souligne qu’elle a massivement investi dans le port de Djibouti en acquérant 23,5 % du capital de Port de Djibouti SA en décembre 2012. Pour compléter cette prise de participation, CMPH, accompagnée par d’autres intérêts portuaires chinois et Djibouti Ports & Free Zones Authority, ont signé un accord le 15 novembre pour concevoir et créer la Djibouti International Free Trade Zone. Cet investissement doit faciliter le développement économique du territoire. Il est la réplique du concept Port-Zone-City qui s’est révélé être un grand succès à Shekou.
China Merchants Port Holding détient 49 % de Terminal Link, l’une des deux filiales de CMA CGM dédiées aux terminaux portuaires.
Un partenaire de long terme pour l’Afrique
« D’extracteur de ressources africaines, la Chine devient un partenaire de long terme. Djibouti en est le premier exemple », a écrit le chercheur François Dubé dans la revue américaine The Diplomat le 5 octobre. Le 8 avril, le ministre chinois de la Défense a expliqué que la construction du premier port militaire chinois situé hors de Chine avait commencé à Djibouti, à Doraleh et à Obock, plus précisément. Officiellement, il s’agit d’une base logistique, note François Dubé. La concession court jusqu’en 2026 et pourra héberger jusqu’à 10 000 soldats.
Si la Chine entretient des relations diplomatiques avec Djibouti depuis janvier 1979, c’est à partir de 2012-2013 que la présence chinoise sur cette place stratégique a pris racine. Plusieurs milliards de dollars sont ainsi investis dans la construction d’un nouveau port, de deux aéroports, d’une voie ferrée entre Djibouti et l’Éthiopie, d’un terminal vraquier pour la potasse à Tadjourah et diverses autres infrastructures. Si, pratiquement, chaque pays africain a droit à quelques grands projets de BTP chinois, Djibouti concentre les attentions chinoises. Cela est d’autant plus visible que la surface du territoire représente celle des villes de Pékin et de Tianjin réunies, pour une population de 810 000 personnes. Pour François Dubé, la Chine expérimente dans la corne de l’Afrique ce qui pourrait devenir sa nouvelle stratégie: l’implantation. Celle-ci est nécessaire à la construction de la « route maritime de la soie du XXIe siècle ». Et Djibouti constituerait la « première perle du collier » destiné à sécuriser les approvisionnements chinois. La crainte de certains chercheurs chinois réside dans le risque de rejet par les populations, et non pas les classes dirigeantes, de l’attitude de la Chine et des pratiques de ses entreprises. Celles-ci ont tendance à ne jamais employer de travailleurs locaux ni faire travailler des entreprises locales. La négociation est rarement pratiquée par les entreprises publiques chinoises qui interviennent en Afrique. Cela souligné, les infrastructures de transport ne peuvent que favoriser le développement local, même si le risque de dépendance économique, voire politique, ne doit pas être négligé. Djibouti y est habitué: après l’influence française, puis américaine arrive donc l’ère chinoise qui dispose de moyens financiers considérables, sans parler de l’influence politique auprès des États africains, entre autres. La route maritime de la soie pourrait alors ressembler à une large voie privée.