Sur l’axe Seine, intégrer le fleuve dans les chaînes logistiques globales

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Le colloque sur « l’économie du fleuve » organisé par Logistique Seine Normandie à Rouen le 6 octobre a commencé par une table ronde sur le lien entre la compétitivité du transport fluvial et un réseau de qualité. « Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de mise en œuvre et non plus d’étude pour les projets concernant les réseaux ferroviaires et les ports de l’axe Seine », a déclaré François Philizot, délégué interministériel au développement de la Vallée de la Seine. Cela signifie qu’un certain nombre de projets ont avancé, démarré ou ont été adaptés au cours des derniers mois. Concernant « la chatière » au Havre, François Philizot a indiqué que les études ont été lancées comme prévu au contrat de plan. Des résultats sont attendus en 2017. Antoine Berbain, directeur général délégué d’Haropa, a précisé que les études, d’un montant de 2 M€, sont financées par la Région et l’Union européenne. « Ce n’est qu’une petite phase, a reconnu François Philizot, mais l’objectif est de trancher sur le calendrier fin 2017 ou début 2018. » Pour Antoine Berbain, « il y a eu du temps perdu mais c’est fini. Fin 2017 ou début 2018 sera le moment de la décision sur l’opportunité de lancer le projet ou pas ». Le coût de la chatière est évalué à 100 M€, « à 30 % en plus ou en moins près », selon Antoine Berbain. Concernant la rénovation du barrage et des écluses de Méricourt, les études ont été conduites. « Le travail porte actuellement sur une convention particulière entre l’État et l’Ile-de-France qui devrait être mise au point d’ici à la fin 2016 », a expliqué François Philizot. Les travaux devraient commencer avant la fin de la décennie. L’objectif partagé par l’État et la Région en faisant avancer ces projets et d’autres est de mettre à niveau le système du réseau fluvial avant l’arrivée du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. « Il n’y a aucun projet d’infrastructures actuellement bloqué, a souligné François Philizot, seulement il y a encore des discussions à mener pour certains. » Il a cité le sujet de « la massification au GPMH et la problématique du terminal multimodal », d’un montant total de 135 M€, financé à 85 % par la puissance publique. Il a assuré: « Un travail collectif est conduit pour améliorer la situation sur ce terminal. » Antoine Berbain a relevé que « les difficultés opérationnelles de mi-2015 lors de la mise en service se résorbent. Le terminal apporte un service complet pour les conteneurs fluviaux à un coût équivalent à celui des conteneurs traités par la SITH, soit 78 € par conteneur ». D’ici à fin 2016, le trafic devrait y atteindre 80 000 EVP. Alain Verna, p.-d.g. de Toshiba TEC Europe et président de Logistique Seine Normandie, a noté que « le terminal multimodal reste à optimiser ».

Compétitivité de l’économie fluviale

La compétitivité de l’économie fluviale passe par l’existence d’un réseau de ports étendus et diversifiés, à l’image de celui de Ports de Paris, pour répondre aux besoins logistiques. « Diversifiés, cela signifie des quais pour le chargement/ déchargement, des ports maritimes, des plates-formes multimodales intérieures », a continué Antoine Berbain. Elle s’appuie aussi sur la création de nouveaux sites comme le projet Port Seine Métropole Ouest (PSMO), situé à la confluence de la Seine et de l’Oise, pour lequel l’enquête publique est prévue en 2017 et des travaux en 2019-2020. Il s’agit aussi de préserver les ports situés dans Paris intra-muros, notamment pour le béton prêt à l’emploi, tout en favorisant l’accès au bord du fleuve pour les riverains en dehors des périodes d’ouverture des sites à l’activité industrielle. Il s’agit encore de développer l’offre foncière sur les plates-formes multimodales à Gennevilliers, Limay, Bonneuil-sur-Marne. À la fin de l’échange, François Philizot a incité à « prendre Seine-Nord Europe comme une opportunité et non pas comme une menace ». Plus généralement, il a souligné que « la pédagogie reste nécessaire sur le transport fluvial. La France a beaucoup moins investi sur ses chaînes logistiques et sur l’organisation de l’arrière-pays des ports que les nations hanséatiques ». Par exemple, il faut maintenant « s’interroger sur comment relier les grandes plates-formes à l’Est, de Paris à Amiens, à l’Ouest jusqu’à Orléans, comment développer le transport de conteneurs jusqu’à Evry ou Senart ». La solution passe notamment par une implication de tous les acteurs de la chaîne logistique avec ceux du transport. Pour Marc Papinutti, directeur général de Voies navigables de France (VNF), au-delà des grands projets de création et de rénovation d’infrastructures déjà citées et auxquelles il a ajouté la mise au grand gabarit de la liaison Bray-Nogent, « il faut également travailler sur les services ». VNF avance sur la mise en place des services d’information fluviale (SIF), par exemple. Il a estimé: « Des opérateurs logistiques intégrés ne sont pas suffisamment présents en France », à la différence de l’Allemagne où « Rhenus Logistics gère l’ensemble de la chaîne logistique, du transport à la desserte finale ».

Les clients décident en fonction des coûts

Le colloque de Logistique Seine Normandie s’est poursuivi par une deuxième table ronde sur le thème: « la compétitivité du transport fluvial, fiabilité de service ». Frédéric Henry, p.-d.g. de Lubrizol France, a secoué l’assistance en indiquant que cette entreprise active dans le secteur de la chimie n’utilisait pas le mode fluvial dans sa chaîne logistique. Lubrizol a son siège et une usine à Rouen, et une autre au Havre. « De mon bureau, je peux contempler la Seine, j’aimerais l’utiliser, a raconté Frédéric Henry. Mais plusieurs études, dont l’une récente, ont démontré l’absence de retour sur investissement si nous utilisions le mode fluvial car les dépenses seraient élevées en termes de stockage et d’appontement. Le TRM est trop compétitif. Une autre étude a montré que massifier les flux de la chimie sur la Seine n’est pas rentable. » Alain Verna, p.-d.g. de Toshiba TEC Europe, installé à Dieppe, a mis en avant la nécessité de travailler sur « l’efficience des coûts, de minimiser l’impact des ruptures de charge et des coûts de manutention ». Selon lui, le transport fluvial doit également progresser « sur les délais et l’agilité pour répondre à la demande des clients, et vers un meilleur accompagnement des chargeurs ».

Un troisième axe de travail porte sur « la disponibilité foncière bord à quai avec une organisation des pré et post-acheminements proches et plus lointains pour favoriser la continuité des flux ». Laurent Follope, directeur Bolloré Logistics Le Havre, a indiqué que le transport fluvial « peut être intéressant quand il y a un effet de volume, la présence de solutions de stockage et de stationnement ». L’atout du fluvial est de présenter une empreinte carbone de 50 % à 60 % moins élevée, même quand des poids lourds accomplissent les derniers kilomètres. Les deux faiblesses du fluvial sont un transit time supérieur de deux à trois jours par rapport au TRM (qui pourrait être réglé par la création de zones logistiques) et les ruptures charge. « Tout ceci explique que le transport par barge ne représente que 3 % à 4 % de notre flux pour les clients de Bolloré Logistics, alors que Le Havre possède une importante activité sur l’import, et Rouen sur l’export », a poursuivi Laurent Follope. Il a conseillé « de penser et présenter à l’international une chaîne logistique globale, pas seulement des capacités d’accueil des navires ». En tant que président du Comité des armateurs fluviaux, Didier Léandri a rappelé que lors de la conférence sur le fret fluvial, « les chargeurs ont dit ne pas connaître le transport fluvial qui apparaît coûteux et compliqué d’accès ». Pourtant, l’offre fluviale existe bien sur l’axe Seine avec des réserves de capacité qui peuvent être mises à la disposition des chargeurs et des logisticiens. La productivité du transport fluvial a progressé de 25 % en 15 ans. Malgré tout, le mode fluvial reste sous-utilisé. Aussi, en plus de la création de nouvelles infrastructures et de l’amélioration de celles existantes, « la filière fluviale dit qu’il faut intégrer les externalités du TRM, c’est-à-dire intégrer les coûts environnementaux aux analyses tarifaires. Entre le fleuve et la route, l’émission de CO2 est divisée par quatre ». Le fluvial est peu compétitif car des coûts de passage portuaire élevés sont facturés pour les conteneurs fluviaux dans les ports français. « La raison vient de la facturation du coût de la manutention fluviale à la différence de celui de la manutention ferroviaire ou routière pris en charge par l’armateur. C’est une spécificité française qui doit être résolue. » Pour Didier Léandri, « le transport fluvial doit s’intégrer à un process industrialo-logistique comme le mode ferroviaire, car il manque de souplesse pour les pré et post-acheminements des derniers kilomètres. C’est une culture que la France a perdue ». En la retrouvant, « le fluvial peut être une solution de transport dans une chaîne logistique globale ». Tous ces sujets doivent trouver des réponses et des solutions « très vite, car le TRM est toujours plus compétitif ».

En conclusion de cette table ronde, Bernard Piette, directeur général de Logistics in Wallonia, a déclaré: « Tout le monde se fiche de savoir s’il y a des plates-formes multimodales, tel mode ou telle infrastructure de transport. La priorité pour les chargeurs, ce sont les services proposés et les coûts des solutions logistiques globales. Pour attirer les clients, les opérateurs transport et logistique doivent être moins chers et plus performants. » Il a souligné « le manque de compétences logistiques dans les entreprises industrielles où les réflexes demeurent classiques en l’absence de fonction supply-chain ». Pour lui, il est urgent de « passer d’une réflexion fondée sur les infrastructures à une réflexion en fonction des chaînes logistiques ».

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