Alors que les premiers travaux de dragage et de terrassement ont commencé, le chantier d’extension du port de Calais est bien lancé. Sa première pierre a été posée en présence du président de la République François Hollande le 26 septembre. Ainsi, 230 ans jour pour jour après la signature du premier traité commercial entre la France et l’Angleterre (Eden-Rayneval), Calais adapte ses infrastructures pour demeurer le principal lien entre l’Europe continentale et le Royaume-Uni. Un chantier « des plus exemplaires », « symbole de l’ouverture au monde », a lancé François Hollande.
Imaginées en 2002 par la Chambre de commerce et d’industrie de Calais, concessionnaire du port, ces nouvelles infrastructures doubleront la capacité du principal port transmanche (10 millions de passagers par an, deux millions de poids lourds, 41,5 Mt de fret), tandis que de l’autre côté de la Manche, à Douvres, le port agrandit son terminal poids lourds. Principal chantier maritime en France, Calais Port 2015 prévoit essentiellement la création d’un nouveau bassin de 90 ha et de nouveaux terre-pleins (65 ha, dont 45 ha gagnés sur la mer), à l’est du port actuel, jusqu’à l’ancien terminal hoverport, abandonné depuis 2000.
Trois nouveaux postes ferries en 2021
Dès sa première phase, livrée dans cinq ans, trois nouveaux postes ferries et un poste ro-ro verront le jour, qui pourront accueillir des navires de grande capacité (240 m) dans un bassin protégé par une digue de 3,3 km, dont 650 m ont déjà été réalisés. « La principale difficulté à prendre en compte est la houle et la marée, très importantes à Calais. La digue est conçue pour prendre en compte une crue centennale et le réchauffement climatique », explique Arnaud Grévoz, directeur de projet adjoint (Bouygues), à propos de cet ouvrage conçu « pour cent ans ».
L’assemblage des Xbloc, fabriqués sur place (40 par jour à terme), les opérations de terrassement et les études complémentaires mobilisent pour l’heure une centaine d’ouvriers et 80 cadres, avec l’appui du Danish Hydraulic Institute de Copenhague, où une maquette au 1/50e permet d’étudier les effets de la houle sur l’ouvrage.
Le chantier représente un investissement de 863 M€ (dont 30 % de fonds publics). Il a été confié à un consortium constructeur constitué autour de Bouygues Construction, Spie Batignolles, Colas et du Luxembourgeois Jan De Nul. Le projet est porté par la Société des ports du détroit, détenue par la Caisse des dépôts et le fonds d’investissement Meridiam, les Chambres de commerce et d’industrie de la Côte d’Opale et de Nord de France, avec une participation minoritaire du Grand port maritime de Dunkerque. « Fini la concurrence terrible, c’est une véritable collaboration efficace entre Boulogne, Calais et Dunkerque, première façade maritime de France », se félicite Jean-Marc Puissesseau (p.-d.g. de la Société d’exploitation des ports du Détroit), qui compte permettre aux salariés du port d’en devenir actionnaires, une première en France.
Un groupement avec Eurotunnel?
En dépit d’un contentieux toujours en cours entre Eurotunnel et le port de Calais, Jean-Marc Puissesseau ne doute pas de la mise en place du futur groupement régional des ports et du tunnel. Sa constitution a été annoncée pour la fin de l’année par François Hollande. « Les ports doivent s’unir pour être mieux armés à l’international », a-t-il déclaré devant des acteurs maritimes français et britanniques et devant les sénateurs René Vandierendonck et Jérôme Bignon. Leurs préconisations pour « la porte Nord de France » s’inspirent d’Haropa (Le Havre-Rouen-Paris) sur l’axe Seine. Elles « ont été retenues par le gouvernement », a indiqué François Hollande.
Lors de son déplacement à Calais, le président de la République a par ailleurs confirmé le démantèlement « d’ici la fin de l’année » du bidonville occupé par les migrants à proximité du port. Une confirmation favorablement accueillie par les acteurs économiques du Calaisis, notamment par Thierry Le Guilloux, président de Viia (SNCF), qui l’attendait pour relancer sa ligne de ferroutage entre Le Boulou (Perpignan) et Calais, suspendue début juillet, trois mois après son lancement, en raison de l’intrusion de migrants. « Après le démantèlement, il ne nous faudra qu’un mois pour relancer le service », explique le patron de Viia, qui s’appuie sur P& O pour offrir un service de transport de remorques non accompagnées jusqu’à Douvres. Vers l’hinterland, François Hollande a aussi annoncé que l’État financerait 80 % des travaux de la voie mère (50 M€) qui dessert le port.