Le 6 août 2015, l’Égypte a inauguré en grande pompe le quasi-doublement de la capacité de traitement du canal de Suez. Le « cadeau de l’Égypte au monde » doit, selon les estimations égyptiennes, permettre de générer un chiffre d’affaires de 13,2 Md$ en 2023 contre 5,3 Md$ en 2014. Les statistiques officielles de l’Autorité du canal de Suez (ACS) montrent que l’espoir n’est pas totalement vain, au moins en ce qui concerne la jauge des navires ayant transité. En effet, à partir d’août 2015, la jauge nette mensuelle (qui sert de base aux droits de passage) a sensiblement augmenté par rapport à la moyenne mensuelle des années 2010 à 2014): 89 millions de jauge nette (jauge Suez) en août 2015, contre une moyenne de 82,71 millions. Cela s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’année.
L’affaire se présente mal
Au total, d’août à décembre, la jauge nette a été de 424,78 millions contre une moyenne cumulée de 396,23 millions. Le premier trimestre 2016 est plus délicat à analyser (dernières données disponibles), car en 2015, le premier trimestre a été exceptionnellement fort avec un cumul de 238,09 millions de jauge nette. Celui du 1er trimestre 2016 est de 238,82 millions. Mais la moyenne des 1ers trimestres de 2010 à 2014 est de 215,45 millions.
En termes de droits de passage, dès février 2015, l’affaire se présente mal par rapport aux chiffres de 2014, année exceptionnelle pour les recettes. En effet, les droits de passage ont atteint 5,46 Md$ contre une moyenne de 5,14 Md$ pour les années 2010 à 2014. En 2015, les recettes mensuelles ont toujours été inférieures à celles de 2014, sauf pour janvier. Par rapport aux recettes moyennes, elles leur étaient supérieures jusqu’en juin et sont passées en dessous par la suite. Peu importe la capacité réelle de traitement du canal. En 2015, le total des droits de passage a atteint 5,11 Md$. Mais la descente aux enfers a réellement commencé en janvier 2016 avec des recettes mensuelles de presque 297 M$, bien inférieures à celles de janvier 2015 (435 M$), à la moyenne 2010/2014 (417 M$) et même à janvier 2010 (383,6 M$). Février 2016 a été pire (288 M$) et mars légèrement meilleur (297,5 M$). Les recettes du 1er trimestre 2016 ont été de 882,4 M$, à comparer aux 1,24 Md$ du 1er trimestre 2015 ou au 1,2 Md$ de la moyenne des premiers trimestres 2010/ 2014. Les autorités égyptiennes ont toujours été discrètes sur les conditions de souscription des certificats d’investissements d’un montant total de 8,5 Md$, rémunérés à 12 %. Certes, la pertinence économique d’un tel projet ne se juge pas sur un an mais le début n’est pas bon. Il est largement probable que l’ACS, elle aussi, propose de substantiels rabais pour maintenir sa part de marché.