Le chiffre d’affaires des transporteurs baisse plus vite que la réduction de leurs coûts, constate le consultant britannique Drewry dans sa lettre d’informations du 14 août. Les premiers résultats publiés avant cette date laissent comprendre que le chiffre d’affaires s’est réduit en moyenne de 18 %, augmentant ainsi la pression visant à faire baisser les coûts.
Les transporteurs subissent une pression « énorme » pour faire encore plus d’économies tous azimuts. Ce qui conduit notamment à accroître le nombre de fusions acquisitions. Ces estimations se basent sur les résultats semestriels de Mærsk Line, Hapag-Lloyd, MOL (conteneurs), NYK (lignes régulières), OOCL (conteneurs et logistique) et K Line (conteneurs). En faisant l’hypothèse que tous les autres transporteurs conteneurisés ont subi la même chute moyenne de leur chiffre d’affaires, cela signifie que l’ensemble du secteur a perdu de l’ordre de 29 Md$ au terme du 1er semestre par rapport à celui de 2015. En d’autres termes, le fond de la piscine atteint durant l’année noire de 2009 (après le début de la crise de l’automne 2008) pourrait être enfoncé.
Une chute de 5 Md$ de résultat d’exploitation
La différence entre 2009 et aujourd’hui, souligne Drewry, réside dans le fait qu’à cette époque, les coûts de production des compagnies étaient bien plus hauts. Cela a entraîné une chute du résultat d’exploitation de l’ordre de 19 Md$ pour le secteur. Sept ans plus tard, les compagnies sont beaucoup plus efficaces mais cela ne les empêchera pas d’avoir à enregistrer une chute de 5 Md$ de leur résultat d’exploitation, estime Drewry. Devant tirer un trait sur 50 Md$ de chiffres d’affaires en 2014 et 2015, il n’est pas surprenant qu’une majorité de grands transporteurs perde de l’argent, certains étant même proches du gouffre. Il n’est pas plus surprenant que certaines compagnies aient fusionné afin de se préparer à affronter des temps bien plus durs. Drewry rappelle qu’en 2009, le chiffre d’affaires avait chuté de près de 66 Md$.
Après des années d’inactivité dans le rapprochement de compagnies, les affaires ont repris: Cosco a repris l’activité conteneurs de China Shipping, CMA CGM a racheté NOL/APL, Hapag-Lloyd et UASC ont fusionné leur activité conteneurs. Et au-dessus de tout cela, les transporteurs ont constitué des alliances encore plus étendues afin de mettre en commun leurs ressources et de trouver de nouvelles sources d’économies. Tous ces mouvements sont des stratégies « défensives » mises en œuvre par les compagnies pour faire face à un marché atone.
Les derniers résultats parus montrent que le 2e trimestre a été plus difficile que prévu, reconnaît Drewry, avec des marges opérationnelles (inférieures à -4 % en moyenne) qui ont atteint un plancher depuis le 1er trimestre 2012.
Même généralement négatifs, les résultats du 1er trimestre 2016 laissaient au moins espérer que l’effondrement constaté de trimestre en trimestre était stoppé. Le bout du tunnel semblait en vue. Le consultant britannique estime donc que ses espoirs de voir un second semestre meilleur sont plus incertains avec des taux qui ne remontent pas, contrairement au prix des combustibles. La haute saison espérée pour le 3e trimestre est peu probable.
Plus rien à « gratter sur l’os »
Drewry note que les compagnies ont commencé à avoir une influence sur les taux spot, qui remontent depuis le mois de juin, après être passés par un plancher à moins de 1 100 $/40’ en mars. Mais la vitesse de remontée n’est pas celle attendue. Il ne faut pas oublier que les taux contractuels sont eux aussi très bas. Avec la remontée du prix du fuel, le coût de transport au conteneur est maintenant supérieur à la recette unitaire. L’écart entre les deux a dû très probablement s’accroître durant le 2e trimestre. Toutes les données ne sont pas encore disponibles. Cela ne peut que creuser les pertes. Après s’être infligé un sévère régime à base d’économies tous azimuts durant des années, certains transporteurs pourraient n’avoir plus rien à « gratter sur l’os », estime Drewry. L’option la plus évidente est celle de la fusion/absorption. Hapag-Lloyd évalue à 400 M$ par an les économies résultant de la reprise de la flotte d’UASC. « Ces montants ne sont pas garantis et ils ne seront pas générés du jour au lendemain », conclut Drewry.