Le verdissement de la flotte, un risque pour la profession fluviale

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Du côté du Parlement européen (PE), la satisfaction est clairement affichée: « Je crois que nous avons atteint un résultat très positif avec cet accord final: un équilibre entre la protection de l’environnement et la compétitivité des entreprises européennes, a déclaré la députée Elisabetta Gardini. Nous avons resserré les limites proposées par la Commission pour de nombreux types de moteurs, tout en conservant une approche raisonnable afin que l’industrie puisse se mettre en conformité avec le règlement rapidement, et ceci était l’objectif principal. » Elle s’est ainsi exprimée le 5 juillet après l’adoption d’une résolution législative sur la proposition de règlement du PE et du Conseil relatif aux exigences concernant les limites d’émissions et la réception par type pour les moteurs à combustion interne destinés aux engins mobiles non routiers (EMNR). Ces mots désignent des engins allant du petit équipement portatif aux autorails, aux locomotives et aux bateaux de la navigation intérieure en passant par les engins de construction et les groupes électrogènes. Les ENMR fonctionnent avec une grande variété de moteurs à combustion. Selon l’Union européenne (UE), ces moteurs sont une source importante de pollution atmosphérique et représentent environ 15 % des émissions d’oxyde d’azote (NOx) et 5 % des émissions de particules. Les moteurs des ENMR sont définis au sein de catégories, elles-mêmes divisées en sous-catégories en fonction de leur puissance. Pour chacune des catégories et sous-catégories, des limites d’émission sont fixées par le nouveau règlement adopté par le PE pour les polluants monoxyde de carbone (CO), les particules d’hydrocarbures (HC), les NOX, les particules fines (PM) et de suie, avec des échéances d’application à partir de 2018. Par rapport à la directive 97/68/CE existante concernant les ENMR (voir encadré), le nouveau règlement couvre davantage de types de moteurs, prévoit des procédures administratives plus simples, améliore l’application de la loi et la surveillance du marché, estime le PE. Les moteurs de l’ensemble des ENMR vont devoir répondre aux mêmes exigences quel que soit le carburant utilisé. Pour la navigation intérieure européenne, les moteurs neufs installés à bord dont la puissance est inférieure à 300 kW vont devoir respecter les nouvelles règles d’émissions dès le 1er janvier 2019. Pour les moteurs neufs au-delà de 300 kW, l’échéance est fixée au 1er janvier 2020.

Des conséquences encore à évaluer

Pour la navigation intérieure européenne, les nouvelles mesures adoptées signifient que les moteurs installés à bord des bateaux vont devoir respecter des normes d’émissions polluantes plus strictes, similaires à celles déjà mises en place par l’UE pour les moteurs des poids lourds du transport routier de marchandises (TRM). Depuis septembre 2013 et le programme Naiades 2, l’UE estime en effet que le secteur de la navigation intérieure européenne doit s’engager vers une réduction des émissions polluantes de la flotte fluviale et atteindre une performance écologique globale au moins égale à celle du TRM. Rapidement désignée par le mot « verdissement » de la flotte, cette position de l’UE est dénoncée de longue date à Bruxelles par les organisations représentatives de la profession fluviale qui n’ont donc pas été entendues. Du côté de l’Union européenne de la navigation fluviale (UENF, en anglais: European Barge Union, EBU), la réaction à l’adoption du nouveau règlement a donc été « une profonde déception ». L’UENF rappelle que son hostilité à la position de l’UE sur la nécessité du verdissement de la flotte sur le modèle du TRM « était fondée sur les difficultés prévisibles que va rencontrer la profession fluviale à se conformer à la nouvelle législation, compte tenu du fait que les moteurs des bateaux fluviaux sont dépendants des moteurs maritimes, lesquels sont exclus du champ des normes concernant les EMNR ». Les constructeurs sont capables de « proposer des moteurs répondant à la plupart des règles d’émissions prévues par le nouveau règlement, à l’exception des particules de suie », poursuit l’UENF. Concernant la limite d’émissions pour les PM, pour les moteurs inférieurs à 300 kW, les constructeurs ont fait part d’un relatif optimisme. Les solutions peuvent être l’installation de filtres à particules ainsi que des catalyseurs, mais sont synonymes de coûts supplémentaires pour les bateliers et armateurs. Les constructeurs ont signifié l’absence de solution technique immédiate pour les moteurs au-delà de 300 kW. Pour ces derniers, « la limite d’émissions pour les PM est sept fois plus stricte (0,1 par rapport à 0,015) que pour les moteurs jusqu’à 300 kW », explique l’UENF. Pour cette organisation, à ce jour, les conséquences exactes du nouveau règlement ENMR « ne sont pas claires, ce qui crée beaucoup d’incertitude ». Elle souligne que la nouvelle législation remet également en cause le développement de l’utilisation du gaz naturel liquéfié (GNL) comme carburant alternatif pour la navigation intérieure. Les nouvelles normes d’émission font perdre une partie des avantages environnementaux du GNL. En conclusion, l’UENF indique: « Il s’agit d’un revers majeur pour l’industrie et d’un risque énorme pour les intérêts de la profession fluviale européenne. »

Les raisons de Bruxelles pour réviser la directive EMNR

En septembre 2014, la Commission européenne a décidé de réviser la directive du Parlement européen et du Conseil n° 97/68/CE portant sur le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures contre les émissions de gaz et de particules polluants provenant des moteurs à combustion interne destinés aux engins mobiles non routiers. Depuis 1997, cette directive, dite EMNR, et ses 15 annexes ont été modifiées à huit reprises, « mais plusieurs examens techniques ont conclu que la législation sous sa forme actuelle comportait diverses lacunes », précise le document législatif de base n° 2014/0268 du 25/09/2014. L’initiative envisagée vise à « améliorer la protection de l’environnement en mettant à jour les limites d’émissions de la directive de 1997 et en étendant leur portée, le cas échéant ». Elle suit également « la mise à jour de la communication sur la politique industrielle de 2012 et pourrait contribuer à l’harmonisation technique dans le contexte des négociations commerciales UE-États-Unis, soit le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » (en anglais, Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP). L’objectif de l’UE est de « protéger la santé humaine et l’environnement et de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur pour ce qui est des moteurs installés dans les engins mobiles non routiers ». L’UE indique qu’en dépit des améliorations au cours des dernières décennies, « la pollution de l’air en Europe demeure une préoccupation et crée des risques inacceptables pour les humains et l’environnement ». Selon les estimations de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), chaque année, dans l’UE, 72 000 décès prématurés sont attribuables au dioxyde d’azote (NO2) et 403 000 aux particules fines (PM). Selon la Commission, les ENMR propulsés par des moteurs à combustion sont responsables d’environ 15 % des émissions d’oxyde d’azote (NOx) et de 5 % des émissions de PM dans l’UE, participant ainsi à la mauvaise qualité de l’air et mettant en danger les citoyens. Aussi, les nouvelles mesures mises en place doivent permettre de réduire les émissions des principaux polluants atmosphériques provenant des moteurs installés dans les EMNR. La Commission a choisi une mise à jour de la directive par un règlement du Parlement européen et du Conseil. Cela signifie que le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil. Cela signifie aussi que le texte s’applique directement dans les États membres sans nécessiter une transposition nationale pays par pays.

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