La nouvelle plate-forme de transbordement, prévue pour accueillir des navires d’une capacité de 150 000 tpl, sera construite à une distance de 30 km de l’actuel terminal. Ce nouveau hub, additionné aux ports du Caucase de l’Ouest, permettra à la région de Krasnodar de fluidifier la circulation entre la mer Noire et la mer d’Asov. En outre, le port de Taman ne gelant pas en hiver, il pourra traiter une partie du trafic de marchandises dans la mer d’Asov, en cas de conditions climatiques difficiles. Dix-sept ports sont actuellement opérationnels dans la région. Le plus important est celui de Novorossiisk, à 118 km au sud de Taman, qui traite 65 % du trafic de la mer Noire et de la mer d’Azov. Le hub de Taman offrira une alternative au port de Novorossiisk, principalement pour l’exportation de charbon et d’engrais organique vers le marché nord-africain. La construction d’un terminal charbonnier sur la péninsule de Taman est d’ailleurs depuis 10 ans déjà en discussion, le port de Novorossisk, trop proche de l’agglomération urbaine, ne pouvant accueillir une telle installation. Le coût des travaux pour le hub de Taman est estimé à 228 milliards de roubles russes (3 Md€). En 2016, le gouvernement russe a prévu d’investir 117 M€. Au total, l’État consacrera 1 Md€ aux ports dans le cadre du « programme pour le développement des systèmes de transport 2010-2020 ». Des investissements privés sont censés combler la différence. La première phase des travaux, qui vise à connecter le terminal au fer et à la route, devrait s’achever en 2018. La capacité annuelle du port passera alors à 94 Mt. Dans l’immédiat, le projet doit encore être soumis à l’approbation des experts de l’État. L’expertise permettra également d’évaluer les capacités du port pour les conteneurs et le nombre de terminaux nécessaires à plus long terme.
Un financement incertain
Voici sur le papier. Dans les faits, le projet de hub dans la péninsule de Taman connaît depuis deux ans de multiples entraves et reports, faute de financements. En mars 2014, avec l’annexion de la Crimée, le président russe Vladimir Poutine avait déclaré vouloir faire de la modernisation des ports de la région (Kertch, Feodossia, ou encore Yalta) une priorité, estimant que le gouvernement ukrainien n’avait pas suffisamment investi dans les infrastructures portuaires en mer Noire. Le gouvernement russe avait envisagé des alternatives à l’extension du port de Taman, comme la modernisation du port de Novorossiisk. Mais sa situation géographique (le port est entouré par une arrête rocheuse) aurait sensiblement augmenté le coût de la construction d’une voie ferrée. Le choix de Taman a également été influencé par le projet de construction d’un pont qui devrait relier en 2018 la péninsule à la Crimée. L’ouvrage, de 19 km de long, nécessite un investissement de 3 Md€. Des routes et des voies ferrées qui relieront la Crimée à l’hinterland russe sont déjà en construction. Elles devront seulement être rallongées pour les connecter au port. Mais le projet de hub de Taman pourrait encore être retardé et sa mise en exploitation, prévue pour 2024, repoussée à 2029. Le ministère russe des Transports et des Infrastructures travaille à un contrat de concession. L’agrément pour la construction devrait être accordé à la société RMP-Taman, une filiale de l’entreprise d’État Rosmorport, en charge de la construction des infrastructures portuaires nationales. Rosmorport est en outre propriétaire du port de Taman. Les investisseurs privés devraient pouvoir acquérir jusqu’à 49 % des parts de RMP-Taman. La question du financement reste donc incertaine, même l’investissement public annoncé pourrait encore changer. Le gouvernement a promis de consacrer 950 M€ du budget du programme de développement des transports à la construction du hub. Mais le contexte économique difficile en Russie – la chute des prix du baril et la volatilité des taux de change – pourraient bien changer la donne, et le ministère russe des Finances avoir à réajuster son budget triennal. Toutefois, du côté du privé, plusieurs investisseurs ont déjà manifesté leur intérêt. Le fonds souverain russe, le RDIF (Russian Direct Investment Fund), espère attirer des investisseurs arabes. Des discussions sont également en cours avec des entreprises chinoises et belges. La société Summa Group, qui opère le port de Novorossisk, pourrait également être intéressée, avance l’hebdomadaire DVZ, en précisant que l’information n’a pas été confirmée.