« Plus longtemps dureront les sanctions, prévient Robert Kümmerlen, responsable de la rubrique logistique au Deutsche Verkehrs Zeitung, plus difficile il sera de rétablir les flux et les chaînes logistiques actuellement entravés. » Les sanctions à l’encontre de la Russie ont comme première conséquence une perte de chiffre d’affaires qui se chiffre en centaines de milliards d’euros pour les pays membres de l’Union européenne (UE). Des millions d’emplois sont soit déjà perdus, soit menacés. L’économie allemande est particulièrement concernée. Depuis 2014, il n’est pas un trimestre dans les secteurs de la logistique et du transport, en particulier maritime, qui n’enregistre des pertes de bénéfices sur l’activité commerciale avec la Russie. Cela est particulièrement vrai pour les États de l’est de l’Allemagne, comme la Mecklembourg-Poméranie-Occidentale ou la Saxe, dont les ministres-présidents respectifs (Erwin Sellering et Stanislaw Tillich) appellent régulièrement à la levée, ou du moins à l’assouplissement des sanctions.
Les ports de la mer baltique, mais aussi ceux de la vallée de l’Elbe, souffrent grandement de la limitation des échanges commerciaux avec la Russie. Robert Kümmerlen déplore cette situation, dans laquelle l’UE s’est en quelque sorte « enferrée ». Il explique en effet que la dimension « pédagogique » des sanctions oblige l’Europe à les maintenir, face à « l’entêtement » du président russe. Vladimir Poutine a encore aggravé la situation par sa riposte d’un embargo sur les produits agroalimentaires des pays qui ont adopté les sanctions.
Escalade de menaces
Dans cette escalade de menaces, personne ne veut ou ne peut céder. Même dans l’hypothèse d’une levée des sanctions, une reprise florissante des échanges ne serait pas garantie, selon Robert Kümmerlen, parce que la confiance entre partenaires commerciaux a été entamée durablement. Vladimir Poutine mène une politique de propagande anti-occidentale qui trouve écho chez une majeure partie de la population russe, et de nombreuses entreprises des secteurs industriel et commercial se montrent hostiles à traiter avec les Européens. « La confiance met longtemps à être établie, mais il ne faut qu’un instant pour la détruire », c’est le triste constat que Robert Kümmerlen tire du passé récent. Les entreprises allemandes fondaient encore, il y a dix ans, beaucoup d’espoirs dans le marché russe, lorsque ce pays donnait des signes prometteurs d’ouverture à l’ouest. Beaucoup d’industriels occidentaux qui investissaient en Russie et construisaient leurs réseaux de partenaires, ont depuis réduit au minimum leurs engagements, s’ils n’y ont renoncé. Le ralentissement de l’économie russe est encore un facteur aggravant. Le rouble est faible, le prix du pétrole est au plus bas sans perspective immédiate de remontée. La stratégie russe, qui consiste à se tourner vers l’est, vers le marché chinois, n’a pas entraîné un accroissement significatif des échanges commerciaux. D’importants flux circulent entre la Chine et l’Europe, et la Chine et les États-Unis. Si les échanges avec la Chine revêtent pour la Russie une importance cruciale, l’inverse n’est pas forcément vrai. En raison des incertitudes qui pèsent sur l’avenir économique et politique de la Russie, les investisseurs retirent les capitaux du marché russe, créant un catastrophique manque à gagner. La situation économique mettra du temps à se stabiliser, même dans l’éventualité d’une remontée du prix du pétrole qui redynamiserait le PIB russe. Les entreprises qui souhaiteraient renouer des relations commerciales avec la Russie s’exposeraient à des risques financiers importants.
Robert Kümmerlen en arrive à la conclusion que dans la conjoncture actuelle, même si la levée des sanctions ne changerait pas grand-chose, elle est pourtant le premier pas indispensable vers la relance économique.