L’insuffisance de la part modale du fret ferroviaire sur un port comme Le Havre est la plus criante illustration de cette problématique. Antoine Berbain, le directeur général d’Haropa, en connaît les causes. Pour le responsable, si la modernisation du tronçon Serqueux-Gisors est une nécessité pour les ports de l’axe Seine, il faut aller plus loin pour rendre enfin compétitif un mode d’acheminement qui peine à se développer. « La première phase des travaux sur Serqueux-Gisors a consisté à refaire circuler les trains. La seconde phase, elle, aura pour objet d’électrifier la ligne mais aussi d’éviter que les trains de fret ne passent par la gare de Serqueux. La SNCF promet une livraison fin 2019. C’est au maître d’ouvrage aujourd’hui de répondre aux problématiques locales, c’est-à-dire aux éventuels impacts du trafic en termes de nuisances. Si le projet n’aboutit pas, le fret ferroviaire continuera à décliner dans les prochaines années. Sur le port du Havre, le fer ne représente que 4 % des modes d’acheminement des conteneurs. C’est insuffisant. Le fluvial, lui, représente 10 % de part modale sur la vallée de la Seine. C’est un fait, le fret ferroviaire décline depuis une quinzaine d’années, pourtant c’est un sujet déterminant », déplore Antoine Berbain. Mais finalement, quelles sont les raisons pour lesquelles le port du Havre est sur ce plan beaucoup moins compétitif que les ports concurrents du nord de l’Europe? Lorsque les modes fluviaux et ferroviaires confondus représentent 15 % des modes d’acheminement sur Haropa, ils peuvent monter jusqu’à 30 % sur les ports nord-européens.
Le mode routier reste le plus souple
« Nous avons la part modale la plus faible sur le range Nord. Le fluvial est très développé à Anvers et Rotterdam. Le fret ferroviaire marche très bien sur un port comme Hambourg. » Antoine Berbain explique qu’en France, le mode routier reste le mode le plus performant en termes de coût. C’est aussi le mode le plus souple. Pour le fret ferroviaire, les raisons de son retard sont nombreuses. « C’est un sujet relativement complexe. Il y a tout d’abord la qualité des sillons qui entre en jeu, mais aussi la capacité des trains de fret à pouvoir circuler. Pour réserver un sillon, par exemple, il faut s’y prendre à l’avance car le service voyageurs de la SNCF passe toujours avant le fret. Et ce service voyageurs est très dense sur l’Ile-de-France. Les travaux de rénovation des voies ferrées se font souvent la nuit, en dehors des heures de passage des trains de voyageurs, à une heure où sont censés circuler les trains de fret. Là encore, cela pose un problème. Le système est à la fois trop rigide et congestionné. Le fret ferroviaire, c’est un peu le parent pauvre en France », analyse le responsable. La connexion des ports d’Haropa au nœud ferroviaire parisien est donc indispensable selon lui, surtout si les ports veulent étendre leur hinterland au-delà de l’Ile-de-France, vers Lyon ou Strasbourg et même jusqu’en Allemagne ou en Italie du Nord. Il y a urgence, donc, d’autant que le terminal multimodal du Havre, qui est censé massifier les trafics, a pris beaucoup de retard dans son fonctionnement. Le projet stratégique 2014-2019 d’Haropa port du Havre affiche une ambition, celle de doubler la part modale du trafic combiné à l’horizon 2020. Un défi à relever à présent.