Le 9 mars, le consultant britannique Drewry a fait connaître les principales conclusions de son étude sur les impacts économiques de l’usage des porte-conteneurs de 18 000 EVP et plus sur les principaux acteurs de la chaîne de transports: compagnies, gestionnaires de terminaux, etc. La principale conclusion est que les économies d’échelle, qui ont été la principale préoccupation des compagnies maritimes, pourraient avoir atteint leurs limites.
Depuis 2009, les principaux transporteurs se sont livrés à une « course aux armements » en augmentant la taille de leurs navires neufs, selon un rythme « déraisonnable » afin de faire chuter les coûts au slot et croître leurs profits. Cette « course à l’échelle » semble se poursuivre avec l’entrée en flotte en 2016 de 53 très grands porte-conteneurs. Alors que cette taille de navires permet de réduire les coûts purement maritimes, ces réductions sont progressivement annulées par la hausse des coûts portuaires et terrestres. De sorte qu’au total, les économies de tout le système de coûts sont faibles et, de plus, se réduisent.
Ces très grands porte-conteneurs prennent plus de place dans les ports, ont besoin de hauteurs d’eau plus importantes, de portiques et de terminaux plus grands, etc., pour absorber les pointes de trafics. Au-delà de 18 000 EVP de capacités, les économies d’échelle de tout le système de coûts (mer et terre) ne représentent plus que 5 %.
Les gestionnaires de terminaux doivent investir lourdement pour manutentionner ces navires et leurs surfaces de stockage doivent être surdimensionnées d’un tiers pour éviter la saturation à chaque escale, même en l’absence de croissance du volume total du terminal, note Drewry.
Risques
Les économies d’échelle de ces très grands porte-conteneurs ne seront réelles pour l’ensemble de la chaîne de transport que si la productivité des terminaux augmente au même rythme que celle des navires, souligne le consultant, sans évoquer la saturation des réseaux terrestres utilisés pour les pré et post-acheminements. La poursuite de la croissance de la capacité unitaire des navires pourrait mener:
– à une baisse non significative du total des coûts, de la fréquence des départs et du choix des lignes par les chargeurs;
– à une hausse du risque pesant sur la chaîne de transport car les marchandises seront concentrées sur moins de navires (la fameuse accumulation de valeurs redoutée par les assureurs, NDLR);
– à une augmentation des tensions écologistes du fait de l’importance des boues de dragage générées par l’augmentation de la hauteur d’eau et l’extension des surfaces de stockage.
Point critique
« Avec l’arrivée de nouveaux très grands porte-conteneurs, le secteur s’approche rapidement d’un point critique », estime Tim Power, d.g. de Drewry. « Pour faire en sorte que les économies d’échelle générées par le navire profitent à toute la chaîne d’approvisionnement, les transporteurs et les ports doivent se coordonner. Tous les acteurs du secteur doivent reconnaître le besoin de coopérer, faute de quoi la course à la taille n’aura plus de sens économique. » Ce qui n’est peut-être pas une mauvaise chose. En effet, Drewry estime que si les armateurs se rendent compte que cette course n’a plus de sens, les prochaines commandes seront la conséquence d’une évaluation de la croissance réelle des flux, et la surcapacité se réduira fortement. « Les transporteurs seront ainsi capables de générer des bénéfices durables ».
Le rapport de l’OCDE de mai 2015 conseillait également aux États de regarder à deux fois la nécessité de subventionner certaines infrastructures portuaires, comme les chenaux.
*Voir JMM du 5/6/2015, p. 12.