L’ouverture de la nouvelle voie du canal de Panama, repoussée au mois de mai, permettra le passage de navires longs de près de 400 m et d’une capacité allant jusqu’à 14 000 EVP, le triple de la capacité actuelle. L’élargissement du canal s’est avéré indispensable afin de lui permettre de demeurer l’un des points de passage stratégiques du commerce mondial. Mais cette ouverture particulièrement attendue devrait avoir un effet domino. L’architecture des lignes maritimes régulières touchant le continent américain sera bousculée, en privilégiant les ports en eaux profondes capables d’assurer le transbordement des navires adaptés aux nouvelles capacités du canal.
Au Brésil, les spécialistes s’interrogent: le pays est-il prêt à rentrer dans la compétition? Face à cette nouvelle donne, ses ports peuvent-ils s’afficher comme des hubs majeurs pour la prochaine génération de porte-conteneurs et de supers cargos?
Par exemple, le complexe d’Itajaí Navegantes, situé dans l’État de Santa Catarina, au sud du pays, est un port clé pour l’exportation de marchandises réfrigérées en direction de l’Europe et de l’Asie. Or, sa configuration actuelle ne lui permet que d’accueillir des navires inférieurs à 305 m de long. Itapoá, autre port important de l’État de Santa Catarina, impose de sérieuses restrictions de tirant d’eau.
Quant au port de Santos, il peut accueillir des navires de grande taille « sous des conditions spéciales ». Certes, des chantiers de dragage devraient faciliter la venue d’unités de plus grandes dimensions, comme des porte-conteneurs de 14 000 EVP (contre 10 000 EVP actuellement). Les chenaux d’accès devraient atteindre les 17 m de profondeur (contre 15 m aujourd’hui) à l’horizon 2017, tandis que les bassins d’accès pourraient avoisiner les 15,7 m. Mais en réalité, les choses ne sont pas si simples. Les travaux de dragage et d’élargissement des canaux de navigation ont été jusqu’ici mal faits, ou décalés. Par exemple, le dernier dragage d’approfondissement en date a rétréci la largeur et augmenté la profondeur, alors que les navires, eux, ont accru toutes leurs dimensions, ce qui complique les manœuvres à Santos. En outre, il s’avère très difficile de maintenir les niveaux de profondeur ciblés, car les courants internes et les précipitations multiplient les dépôts de sédiments fluviaux.
Un « Santosvlakte »
Le principal port brésilien a donc commencé à explorer une nouvelle piste, baptisée Santosvlakte. Ce chantier très ambitieux, inspiré par les polders du port de Rotterdam, vise la construction de terminaux en eaux profondes à l’extérieur de la baie. La Companhia Docas do Estado de São Paulo, autorité en charge du port, a d’ailleurs chargé l’Université de São Paulo de réaliser les premières études de viabilité du projet.
Selon Leandro Barreto, consultant spécialisé en transport maritime, trois aires détiennent les conditions de profondeur nécessaires pour accueillir de nouveaux porte-conteneurs: Pecém (État du Ceará), Suape (État du Pernambouc) et Itaguaí (État de Rio de Janeiro). Les deux premiers ont pour avantage d’être proches de l’Europe et de l’Asie, via le canal de Panama. Mais à l’heure actuelle, les deux ports manquent d’infrastructures terrestres et de grands terminaux de conteneurs. Les appels d’offres pour de nouvelles concessions portuaires pourraient combler cette lacune. En revanche, il faudra du temps pour que le deuxième volet du Programme d’investissement en logistique (PIL2), lancé par la présidente Dilma Rousseff, prenne corps et garantisse les accès nécessaires.
Reste Itaguaí. Ce n’est pas un hasard si la vente en cours de Sepetiba Tecon, le terminal à conteneurs opéré par la société CSN dans ce port, suscite tant d’intérêt, notamment de la part de Santos Brasil qui contrôle le principal terminal à conteneurs du Brésil, à Santos. Ce terminal est considéré comme stratégique pour trois raisons: il ne possède pas de restrictions particulières en termes de tirant d’eau, il est éloigné des zones urbaines et bénéficie d’espace pour d’éventuelles extensions. Idéal pour un hub portuaire.