Le 17 février, les autorités de Taïwan, du Vietnam et des États-Unis ont confirmé le déploiement par Pékin d’une batterie de missiles sol-air sur l’île de Yongxing, située dans l’archipel des Paracels en mer de Chine du Sud, en Asie du Sud-Est. L’île de Yongwing, aussi connue sous le nom de Woody Island, est sous le contrôle de la Chine depuis 1956 mais reste revendiquée par Hanoï et Taipei qui redoutent une militarisation accrue de cette zone maritime. Dans une autre zone de cette mer, la Chine a construit des pistes d’atterrissage et d’autres infrastructures sur des îlots de sables de l’archipel des Spratleys. Ces bancs de sable ont été agrandis de manière artificielle par la Chine par l’apport régulier de remblais au cours des deux dernières années. En procédant ainsi, l’objectif de Pékin est de faire valoir ses revendications sur ces territoires parfois situés à des milliers de kilomètres de ses propres côtes. Pékin estime que la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale lui appartient. Les pays riverains réclament également des portions de cet espace maritime stratégique pour le commerce mondial et peut-être riche en ressources naturelles. Officiellement, le 17 février, le ministre chinois des Affaires étrangères a assuré que ces installations « n’[avaient] rien à voir avec une militarisation de la mer de Chine », mais « [servaient] à la protection de la population, en accord avec le droit international ».
Liberté de navigation
Pékin officie largement en toute impunité en mer de Chine malgré les réactions parfois vives des pays riverains qui modèrent toutefois leurs déclarations afin de ne pas heurter de front leur puissant voisin et partenaire économique incontournable. Olivier Guillard, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), explique dans une note datée du 19 février: « Un point semble indiscutable. Sur le terrain, la puissance asiatique du moment a remarquablement avancé ses pions là où par défaut de moyens (matériels, militaires), d’audace (stratégique), d’arguments (politiques, économiques), l’ensemble de ses challengers naviguent de l’attentisme au laisser-faire. Les pays riverains ouvrent grand la porte à la réalisation du projet de Pékin: se retrouver par défaut d’opposition en situation de force, de pouvoir contraindre, si besoin était, les acteurs régionaux d’opposer aux États-Unis des arguments nouveaux. » Face à cette politique chinoise du fait accompli, les États-Unis réagissent assez peu par crainte de nuire eux aussi à leurs relations économiques avec la Chine. La principale action de Washington est de « faire montre de quelque velléité de résistance lorsque, par exemple, la 7e flotte croise (sans trop s’attarder et à deux reprises depuis octobre) à proximité des archipels des Paracels et des Spratleys, de facto contrôlés par Pékin, rappelle Olivier Guillard. À ces occasions, les États-Unis se drapent fièrement de l’étendard de la liberté de navigation, pour sa part inscrite dans le droit international ». Concernant celui-ci, il s’agit notamment de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dite de Montego Bay. Ce texte « contrarie les arguments politiques ou historiques de Pékin en mer de Chine du Sud. Les diplomates chinois les ignorent superbement, leur tournent le dos sans sourciller, les balaient avec assurance. Ils sont certains que l’ascendance prise ne saurait être autrement que verbalement disputée et non remise en question par la contrainte », assure Olivier Guillard. À l’appui de son analyse, celui-ci mentionne les déclarations du président américain lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est consacré à la sécurité maritime dans la région: « À l’occasion de ce sommet, nous pouvons proposer notre vision d’un ordre régional où les normes et les règles internationales – dont la liberté de navigation – sont respectées et où les différends sont résolus par des moyens pacifiques et légaux. » Un sommet qui s’est terminé au moment où l’installation de missiles sol-air a été dévoilée.