Le poids lourd continental du détroit du Pas-de-Calais

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L’année 2015 aura été un tournant pour le port de Boulogne Calais. Après plus de 150 années de concession à la CCI, la Région a attribué la gestion du port de Calais à la Société d’exploitation des ports du détroit (SEPD). Le passage de relais entre la CCI et la nouvelle société s’est opéré le 22 juillet. Cinq mois plus tôt, le 15 février, le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a voté unanimement en faveur de ce nouveau concessionnaire. L’idée de créer un grand ensemble portuaire entre Calais et Boulogne remonte au début de la décennie. Le projet a pris forme en 2002. Dès l’année suivante et jusqu’en 2004, plusieurs études ont été menées. En 2005 et 2006, les conclusions de ces études ont été présentées aux différentes institutions. En 2007, les compétences portuaires ont été transférées à la Région. Les huit années qui ont suivi ont été consacrées à la création de ce projet au travers de nouvelles enquêtes, de réponses à des interrogations et des inquiétudes de la part de certains responsables politiques et économiques. Il est aujourd’hui opérationnel.

Faible progression

Du côté des trafics, l’activité du port de Calais Boulogne a été un peu plus difficile. Il faut regarder du côté du nombre d’unités de camions qui ont emprunté le port pour trouver des résultats positifs. En effet, avec 1,84 million d’unités de fret, Calais demeure le premier port transmanche du Détroit. Une croissance en nombre d’unités, mais un repli sur le tonnage. Avec 41,5 Mt, le tonnage fret transmanche perd 2,7 %. Un chiffre qui déçoit le président-directeur général du port, Jean-Marc Puissesseau. « Nous terminons l’année avec une faible progression alors que nous étions sur une tendance de croissance de 10 % à fin juin », a-t-il souligné lors de la cérémonie des vœux qui s’est déroulée à Calais le 19 janvier. Plusieurs raisons expliquent ce recul au second semestre. Dès le mois de juin, l’annonce de l’arrêt des liaisons par MyFerryLink (MFL) a eu des effets sur l’activité portuaire. Pendant deux mois, le port a eu à souffrir de blocages liés aux mouvements sociaux par les marins de MFL. « Ce fut aussi une cause de retard de la mise en service des navires de DFDS », a continué Jean-Marc Puissesseau. De plus, « la pression migratoire » a joué sur la fluidité du trafic. La pression de plus en plus forte des migrants a aussi pesé sur le trafic voyageurs du port de Calais. Tous les voyants du secteur touristique sont au rouge. Les voyageurs perdent 8,8 % à 9,7 millions de passagers, les véhicules légers reculent de 14,3 % à 1,6 million d’unités et les autocars se replient de 3,8 % à 87 717.

Des sorts divers

Si le fret transmanche a réussi à tirer son épingle du jeu, l’activité commerciale des deux ports de Boulogne et de Calais a connu des sorts divers. Ainsi à Calais, les marchandises perdent 46,7 % à 297 555 t. Les deux principaux courants, les vracs et les marchandises diverses, voient leur volume s’étioler de respectivement 39,1 % à 189 949 t et de 55,5 % à 107 606 t. Les trafics de vracs ont souffert de l’arrêt des importations de minerai de titane pour Tioxide. Quant aux diverses, elles ont dû faire face à la perte de l’exportation de voitures neuves pour le compte de Gefco et l’absence d’export de sucre au terminal TSM. À Boulogne, le trafic fret a été sur une pente plus positive. En gagnant 28 % à 298 738 t, Boulogne progresse tant sur les produits agricoles que sur les matériaux de construction. Les denrées alimentaires reculent pour leur part. Au final, avec ces nouvelles données, l’activité fret des deux ports de Calais et de Boulogne s’équilibre. En 2014, les trafics des marchandises des deux ports ont totalisé 786 683 t avec 70 % réalisés à Calais et 30 % par Boulogne.

Calais 2015 doit sortir de terre

L’année 2015 terminée, la direction du port se tourne désormais vers l’avenir. Calais 2015 doit maintenant sortir de terre. Ce projet, né en 2002 et qualifié par le ministre des Transports de l’époque, Dominique Bussereau, de « projet raisonnablement ambitieux », doit offrir un nouveau port. « Plutôt que de se livrer à des investissements qui rapidement se seraient avérés inadaptés à l’évolution du trafic, nous avons rêvé d’un nouveau port », a rappelé Jean-Marc Puissesseau. Natacha Bourchart, vice-présidente de la Région en charge des Transports, nous a confié que « la base chantier est sortie de terre. Un lancement de ce chantier est prévu pour le mois d’avril. » Le projet prévoit de gagner 200 ha sur la mer avec la création d’un bassin de 110 ha bordés par une digue de plus de 3 000 m, a rappelé Jean-Marc Puissesseau. En outre, trois nouveaux postes à ferries sont prévus pour accueillir les ferries du futur. Un projet « exceptionnel », selon le p.-d.g. du port. Ce projet prévoit aussi de créer un terminal pour le transport maritime à courte distance vers la Grande-Bretagne. « Nous avons des contacts pour créer des lignes vers le nord-est de l’Angleterre », nous a confié un responsable du port. Dans ce projet, il est prévu aussi de dégager un espace pour le terminal pour accueillir l’autoroute ferroviaire entre Calais et Le Boulou, sur la frontière espagnole. « Ce développement de la façade maritime doit aussi intégrer le Tunnel sous la Manche », a précisé Natacha Bouchart. Avec les ports du Détroit (Calais et Boulogne) et le Grand port maritime de Dunkerque, « la Région Nord-Pas-de-Calais deviendra le plus grand ensemble portuaire maritime français. Nous serons le cœur logistique de toute l’Europe du Nord », a insisté Jean-Marc Puissesseau. Si Calais 2015 sort de terre, l’autoroute ferroviaire de Calais au Boulou prend du retard. L’État hésite, soulignent les responsables de la Région, entre sécurité et sûreté de la ligne. Pour Jean-Marc Puissesseau, « il n’y a pas besoin de grillager la ligne. Il faut informer les migrants que les trains partent vers l’Espagne. Les remorques embarquées sur ces trains peuvent parfois rester deux ou trois jours à quai. Si un migrant monte à bord, il peut se retrouver dans une situation difficile surtout lorsqu’il fait froid ou chaud ». Xavier Bertrand, le président de la Région depuis le mois de décembre, a été encore plus loin. « J’ai rencontré le secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies, et le président de la SNCF, Guillaume Pépy. Ils m’ont assuré qu’il fallait une quinzaine de jours pour que ce projet soit opérationnel. Je ne veux pas que ces deux semaines se transforment en un mois et demi. Il y a un enjeu de sécurisation qui leur appartient. Nous voulons cette autoroute ferroviaire et nous avons hâte qu’elle soit une réalité. »

Seine-Nord: Xavier Bertrand demande que tout le monde sorte le chéquier

À l’occasion de la cérémonie des vœux de la CCI de Côte d’Opale à Calais le 19 janvier, le nouveau président de la Région Nord-Pas-de-Calais est revenu sur le projet de Seine-Nord. « Seine-Nord a une chance d’aboutir. Il faut maintenant qu’il démarre », nous a confié Xavier Bertrand. Il a même rappelé que tout le monde était d’accord pour faire le chèque. Face à la contestation normande sur le sujet, Xavier Bertrand renvoie les Havrais « dans leurs 22 mètres ». « Je ne m’occupe pas du développement du Havre, alors on me fiche la paix pour le développement de Dunkerque et de mes ports. »

Il rappelle que toutes les parties prenantes à ce dossier sont prêtes. « Il faut maintenant sortir le chéquier et aller vite. Nous avons pris du retard sur ce projet. Nous allons le relancer. » Ce projet s’inscrit dans la stratégie du président de la Région qui veut en faire un grand ensemble portuaire. « Un Conseil régional qui ne se préoccupe pas de ses infrastructures ne se soucie pas de ses prérogatives, ne comprend pas son rôle. Les infrastructures sont des emplois avant tout », a continué Xavier Bertrand qui souhaite que pour le chantier de Seine-Nord, « nous soyons un peu plus malins que d’habitude pour éviter que les emplois créés pour ce chantier ne soient pas des contrats détachés ».

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