Lancée en mars 2014, l’étude focalise dans un premier temps sur le gaz naturel liquéfié. D’autres carburants alternatifs sont mentionnés tels que l’hydrogène, les biocarburants et le gaz naturel comprimé sous forme gazeuse, mais leur développement est envisagé comme moins immédiatement opérationnel.
Le GNL: « énergie d’aujourd’hui »
Le projet vise à proposer aux navires maritimes et fluviaux qui entrent ou séjournent en zone Seca des « solutions innovantes et compétitives d’avitaillement en carburants à faibles émissions pour tous les ports de la baie de Seine ». Enjeu stratégique dans la mesure où les normes sur les émissions polluantes deviennent de plus en plus contraignantes: pour les navires opérant en mer Baltique, mer du Nord, Manche (zone Seca), la teneur en soufre dans les carburants marins (annexe VI de la convention Marpol) est passée de 1 à 0,1 % depuis le 1er janvier 2015. À partir de 2020, elle sera à 0,5 % dans les eaux européennes hors Seca.
Le gaz naturel liquéfié est une énergie fossile qui répond à ces seuils et aussi à la directive européenne sur le déploiement à l’horizon 2025 de stations d’avitaillement en carburants alternatifs. La Commission européenne a donc accordé son soutien au projet, par le biais d’une subvention au titre du Réseau transeuropéen de transport (RTET), à hauteur de 493 000 € (50 % du coût total). L’étude se présente, selon Hervé Martel, président du directoire d’Haropa Port du Havre, comme « une réflexion sur les modalités les plus performantes pour que ce type d’avitaillement se développe au mieux dans les conditions du marché dès 2016 ».
Le projet Safe Seca analyse les procédures d’avitaillement des navires sous leurs aspects techniques, économiques et réglementaires et comprend un programme de formation mis en place par l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche du Havre pour préparer les officiers de port à maîtriser les risques et à superviser les opérations d’avitaillement en GNL.
Développer les infrastructures portuaires
Pour Nicolas Chervy, adjoint au commandant du port du Havre, « les ports de la baie de Seine doivent améliorer leur logistique de distribution de GNL en adaptant l’offre à la demande, en réduisant les coûts de livraison et en autorisant les opérations d’avitaillement ». Il s’agit d’assurer aux armements de bonnes conditions d’accueil opérationnel et de sécurité pour favoriser les investissements dans le domaine de la propulsion GNL.
Nicolas Chervy rappelle que la réglementation en vigueur à l’échelle nationale n’interdit pas les opérations d’avitaillement en GNL, mais qu’à l’échelle locale, les prescriptions sont absentes. Une étude de risque a donc été réalisée par le cabinet Axe pour « bien comprendre les processus mis en œuvre, évaluer les risques liés à ce type d’avitaillement et définir des mesures de sécurité adaptées ».
« Attentisme »
Les conclusions de l’étude pointent en effet l’insuffisance de demande des armements pour lancer le plein développement du GNL carburant pour les navires. Le projet Safe Seca s’adresse ainsi aux armateurs qu’il faut convaincre des avantages économiques de l’utilisation du GNL et de la capacité des ports à relever les défis techniques posés par le soutage: développement des infrastructures portuaires, gestion des risques et sécurité, formation pour ces opérations nouvelles.
Contraintes de coût (indexation sur le prix du pétrole), incertitudes sur l’évolution des réglementations énergétiques sont autant de paramètres qui refroidissent les armateurs et les font hésiter à engager des investissements importants dans le développement d’une flotte de navires alimentés au GNL (navires neufs qui doivent rester compétitifs sur au moins 30 ans, navires adaptés pour naviguer au GNL avec des temps d’immobilisation longs en cale sèche, à amortir).
Brittany Ferries a suspendu le projet, lancé en 2010, de construction d’un navire à propulsion GNL, Pegasis (Power Efficient Gas Innovative Ship), avec les chantiers STX. Moins onéreuse (un investissement de 90 M€), l’option d’installation de scrubbers sur six ferries de la flotte a été retenue. Arnaud Le Poulichet, directeur technique de la compagnie, reconnaît que pour la propulsion au GNL, Brittany Ferries est « en veille technologique ». Les armateurs sont « dans l’attentisme », commente Victor Gibon, une position renforcée par l’instabilité des cours de l’énergie, car « le prix du combustible reste, avec le prix des navires, un facteur important ».
Développer une « culture du GNL »
L’après-midi a été consacré à trois tables rondes qui ont réuni des acteurs de l’énergie et du transport maritime, responsables portuaires et responsables institutionnels, armateurs, fournisseurs d’énergie et motoristes. Il s’agissait d’inciter au dialogue. Le projet Safe Seca ambitionne, selon Hervé Martel, de clarifier les enjeux et les conditions de l’utilisation du GNL carburant pour les navires et à favoriser l’association entre tous les acteurs de son développement. L’essor du GNL carburant est en effet conditionné par la fluidité de la chaîne logistique globale: fournisseurs, armateurs, ports, constructeurs, motoristes. Personne ne veut vraiment se lancer sans garantie que les autres suivront, l’initiative des ports de la baie de Seine vise à débloquer la situation et à enclencher le mouvement. La première mise en pratique pourrait avoir lieu en mai ou en juin, pour le paquebot de croisière Aida-Prima de la compagnie Aida Cruises qui vise le même type d’avitaillement de GNL électrique pour ses escales au Havre, à Southampton et Zeebrugge. À Rotterdam, le navire utilise du courant de quai, tandis qu’à Hambourg, son port de base, il utilise l’électricité fournie par la barge hybride Hummel.
Il s’agit d’éviter que le GNL ne devienne un carburant d’hier sans avoir même pris son plein essor aujourd’hui.