« Notre technique permet de retirer de la fraction d’hydrocarbure des déchets, 80 % de carburant minimum, avec l’espoir de pouvoir en retraiter 92 %. Le système que nous avons développé permet d’obtenir de très bons résultats », explique Michel Pingeot, directeur d’Ecoslops. Son entreprise a obtenu la concession d’un terrain sur le port de Sines (à 170 km au sud de Lisbonne) pour une durée de quinze ans, et a débuté son installation en 2014.
Retraiter 25 000 t de déchets par an
Après deux ans de recherches et d’ajustements, Ecoslops a démarré sa production à la fin du premier semestre. À terme, elle espère pouvoir retraiter 25 000 t de déchets par an (on estime à 98 Mt la progression annuelle de la consommation des carburants marins). L’unité de Sines à l’apparence d’une raffinerie de petite taille. « Le processus est identique à celui mis en œuvre dans une raffinerie. Il s’agit dans un premier temps de séparer le fioul lourd ou bien le MDO (diesel marin) de l’eau de mer. Il faut donc procéder à des phases de décantation et d’extraction de l’eau. Ensuite, on procède à la distillation dans une colonne spécifique appelée P2r. Ecoslops y a introduit le procédé dit overflash, qui permet de réaliser 80 % de recyclage contre 40 % auparavant », explique Claude Jean, l’un des ingénieurs qui a installé le site de Sines. Ecoslops s’est tournée vers le Portugal car l’entreprise française n’a pas obtenu le soutien qu’elle escomptait en France. « Le Portugal s’est au contraire montré très enthousiaste face à la création d’une unité industrielle capable de créer 50 à 100 emplois dans le domaine de l’environnement. La constitution d’une entreprise portugaise a permis l’accès aux fonds européens et nous avons obtenu un tiers de l’investissement total de 18 M€ », explique Michel Pingeot. Le choix de Sines se justifie pleinement, précise le p.-d.g. et fondateur d’Ecoslops. « Nous avons signé un accord avec MSC qui permet aux navires de cet armement de déposer ses carburants usagés dans nos bacs de décantation. Mais nous sommes opportunistes: tous les navires qui viendront accoster à l’un ou l’autre des cinq terminaux du port de Sines pourront procéder de cette manière. » Le contrat signé avec MSC concerne six navires par mois. La convention Marpol et les directives européennes obligent désormais les navires à remettre dans les ports leurs carburants pollués. Mais, constate Ecoslops, les zones de stockage sont saturées, notamment dans les grands ports du nord de l’Europe. D’où l’urgence de proposer des solutions efficaces.
Un succès prometteur
L’unité de Sines à commencer à produire et vendre du carburant propre en septembre, après avoir importé 3 200 t de « slops » d’Europe du Nord, ce qui a permis un traitement industriel. Ecoslops a développé une solution technique pertinente dans un contexte de difficultés croissantes de revente des carburants non traités. Ecoslops confirme maintenant la création de trois unités de retraitement en 2017. Un partenariat exclusif a été signé avec le groupe de pétrochimie Heurtey Petrochem. L’entreprise française négocie aussi son implantation en Côte d’Ivoire, sur le port d’Abidjan. « Nous sommes associés avec Bolloré pour ce projet. L’entreprise Bolloré s’étant positionnée sur la concession de la voie ferroviaire qui desservira l’arrière-pays africain. Il y a des similitudes avec ce que l’on observe à Sines, avec la décision d’élargir et de moderniser la voie ferrée reliant le port atlantique à Madrid. Ce qui rend le port encore plus attractif pour les porte-conteneurs », explique Michel Pingeot. La solution écologique proposée par Ecoslops intéresse Abidjan après le traumatisme de la catastrophe environnementale du Probo-Koala. En 2006, les décharges en terre du vraquier avaient provoqué une terrible pollution chimique. Les négociations reprendront après le processus électoral en cours en Côte d’Ivoire.