Un des thèmes majeurs de cette réunion a été la nouvelle norme en matière d’émissions de CO2 (0,1 %) dans les zones ECA et dans les eaux territoriales américaines, ce qui va de pair avec les dispositions prises par des armements pour être conformes. L’armateur Emanuele Grimaldi, dont la compagnie a déjà considérablement investi dans des scrubbers, estime que l’industrie en général est devenue beaucoup plus verte, ce que confirment d’ailleurs diverses études scientifiques. Et de rappeler que le shipping intervient pour 90 % du transport du fret international, alors que sa part dans la pollution environnementale en CO2 n’est que de 2,2 % – en 2007, il s’agissait de 2,8 %. Ceci en fonction d’une croissance annuelle de la flotte de 5 % à 6 %. Face à cette évolution, force est de constater que des organismes internationaux ont proposé de taxer le secteur du shipping pour ses émissions de CO2, contribution appelée à alimenter le Green Climate Fund fixé à 100 Md$, tel qu’évoqué lors de la conférence sur le climat tenue à Copenhague en 2009. Ce fonds doit également aider les pays émergents à s’adapter. À ce sujet, Emanuele Grimaldi a été très clair: « Le secteur du shipping est prêt à contribuer pour sa part à la solution du problème. Toutefois, le concept du “pollueur payeur” suppose que le shipping international devrait contribuer à raison de 2,2 Md$ à payer à l’IMO. Une telle formule serait non seulement inéquitable, mais inefficace car pénalisant les armements d’une manière disproportionnée par rapport au faible impact de l’industrie du shipping qui constitue déjà en fait un élément de la solution. »
Encore trop d’obstacles
Sur le plan du respect de l’environnement, le shortsea et, partant, le concept des autoroutes de la mer, constituent des solutions très positives. Selon Manuel Carlier (p.-d.g. de Anave), il y a encore trop d’obstacles aux niveau de la documentation, des aspects administratifs, des procédures portuaires. Il faut une intégration du maritime et du portuaire, un cadre de support financier, d’une manière bien structurée. Il importe également d’établir un champ d’action de même niveau pour les divers modes de transport. Or, le rail est né avec des subventions et ne survit qu’avec des subventions. Dans le cas particulier de la Méditerranée, il y a non seulement des volumes disponibles, mais aussi de la demande, donc des possibilités de combiner des trafics et de consolider. Intermodalité et connectivité vont de pair, malheureusement bien des projets pêchent par manque d’intégration et de coordination. Les pays du Sud ont intérêt à développer les autoroutes de la mer, pour autant qu’un écobonus, si pratiqué, soit accordé aux utilisateurs des navires afin d’éviter toute distorsion de concurrence entre lignes comme cela s’est souvent passé. Brian Simpson, coordinateur européen pour ce concept de transport shortsea, considère qu’il s’agit là d’une opportunité. Quanrante pourcents du trafic maritime en Europe est national, contre 60 % à l’international. C’est un secteur qu’il faut voir dans la logique d’une chaîne logistique totale, allant du producteur au consommateur.
Qu’a-t-on réalisé en matière d’émissions et quels sont les résultats des premières expériences? Selon Ugo Salerno (p.-d.g. de Rina), il y a encore beaucoup à faire, la technique du scrubber est valable. Que faire des eaux résiduaires? À ce sujet, l’Allemagne a ainsi décidé que cet équipement ne doit pas être utilisé dans ses ports. À ce niveau, il y a un conflit entre la directive sur le soufre et celle sur les eaux résiduaires. Des études sont en cours impliquant des compagnies maritimes, des ports et des autorités nationales. Quant à l’autre alternative qu’est le GNL, s’il s’avère que la technique est au point. Ce carburant se justifie plus pour des navires de croisières. Reste le problème des infrastructures d’approvisionnement, mais aussi de la différence de prix entre le GNL et le fuel lourd. Il faudra beaucoup d’investissements. C’est manifestement une solution à long terme.
Le scrubber a fait ses preuves
Pour Emanuele Grimaldi, l’aspect des eaux résiduaires, propres aux scrubbers, implique des moyens de réception dans les ports, alors qu’elles ne présentent aucun caractère nocif. Son entreprise collabore avec les ports et des institutions, notamment sur la base d’une approche qui fait la distinction entre nouveaux et vieux navires. Toujours est-il qu’aujourd’hui, il est possible de produire du fuel à une teneur de 0,5 %. Ce que les raffineries devraient faire, d’autant plus que le soufre est utile pour l’agriculture. Or nombre de raffineries ferment leurs portes en Europe, ce qui signifie qu’il faudra importer en Europe avec à la clé de nouvelles émissions. Selon l’armateur, la technique du scrubber fait ses preuves, notamment à bord des navires à passagers, donnant des résultats qui dépassent les prévisions.
Brian Simpson s’est distingué par ses propos. Le transport maritime est en avance sur le plan technique mais à la traîne pour le reste. L’IMO agit très lentement, ce qui est positif, alors que d’autres instances, notamment l’UE, vont trop vite. L’IMO, ce sont en fait les États membres. « La faiblesse de l’UE, ce sont les États membres, toujours prêts à imposer des taxes, mais pas des solutions. l’industrie du shipping est trop conciliante vis-à-vis des politiques et devrait mieux se faire connaître, également vis-à-vis du public », a-t-il dit. Point de vue partagé par Patrik Verhoeven, secrétaire général de l’Ecsa pour qui l’industrie maritime est toujours considérée comme suspecte, alors qu’elle a intérêt à mieux se vendre.
Eddy Bruyninckx, p.-d.g. du port d’Anvers, est ouvert aux alternatives. Son port alimente déjà des unités fluviales en GNL et prépare une station de soutage en gaz, qui devrait être opérationnelle en 2016. Il insiste cependant sur le fait que ce carburant occupe à bord des unités trois fois plus d’espace que le fuel classique, un espace qui en matière de transport ne produit rien. En outre, le prix du gaz est fonction de la fourniture et de la demande, c’est-à-dire très volatil.
Le modérateur Alphonse Guinier, ancien secrétaire général de l’Ecsa, a conclu le débat sur des notes positives. Dans l’ensemble, les premières expériences sont concluantes. Le recours aux scrubbers est positif. L’intervention du GNL est une solution valable, mais sur le long terme. L’industrie du shipping est prête à jouer la carte de la protection de l’environnement, mais doit absolument apprendre à mieux se faire connaître.