Dans le détail, le ralentissement des échanges a conduit Drewry à diviser par deux sa prévision de croissance de la demande. Pour 2015, elle devrait être de juste 2,2 %. Dans le même temps, la hausse de la capacité de transport sera de 1,6 MEVP représentant une augmentation annuelle de 7,7 %. En conséquence de quoi, l’indice mesurant l’équilibre mondial entre l’offre et la demande de transport est tombé à 91, le plus bas niveau depuis 2009, année la plus catastrophique depuis le début de la crise à l’automne 2008. Sans surprise, les taux spots des principales routes maritimes sont tombés à des niveaux historiquement bas, en particulier en sortie d’Asie vers l’Europe, vers la côte Est et l’Amérique du Sud et vers le Moyen-Orient.
Le recours aux augmentations tarifaires et à l’annulation de voyage pour réduire les capacités ne fonctionne tout simplement pas.
« Sans la baisse récente (et inattendue, NDLR) des soutes, les transporteurs maritimes perdraient de l’argent », a souligné Neil Dekker, directeur des études sur le secteur conteneurisé chez Drewry. « Ils ne peuvent pas continuer à compter sur un cadeau inattendu pour conserver une rentabilité », a-t-il ajouté, comme si cela ne pouvait pas se confirmer.
Certaines compagnies ont commencé à prendre des mesures plus radicales en retirant plusieurs navires de certains marchés. Deux alliances ont chacune supprimé une desserte entre l’Asie et le Nord-Europe. L’alliance G6 a annulé deux services cet hiver dans le transpacifique. Sur les marchés de moindre importance, Mærsk a supprimé son plus petit service entre l’Europe et le Sud-Asie. Après une année désastreuse, cinq transporteurs ont décidé de suspendre leur service hebdomadaire entre l’Asie et la côte Est de l’Amérique du Sud (via Panama), réduisant ainsi de 6 % la capacité disponible.
Malgré tout, en 2016, la hausse de l’offre sera de 1,3 MEVP. De nombreuses routes qui sont déjà difficiles seront encore plus déstabilisées par ce nouvel accroissement ou le remplacement d’unités de capacité adaptée par des navires plus grands, devant eux-mêmes céder leur place aux très grands porte-conteneurs (cascading). Sans surprise, le déséquilibre mondial entre l’offre et la demande devrait donc augmenter et dépasser celui de 2009.
Plus de navires à la chaîne, de gré ou de force
« Le secteur du transport conteneurisé est en pleine crise de surcapacité. L’année 2016 sera pire que 2015 », prévient Neil Dekker. « La manière dont les transporteurs et les armateurs fréteurs s’attaqueront à la surcapacité influencera la longueur de la crise. Les lignes ont besoin de mettre à la chaîne des capacités bien plus importantes qu’elles ne sont actuellement prêtes à le faire. Faute de quoi, et sans un inattendu retour d’une croissance forte, les compagnies doivent se préparer à vivre plusieurs années de surcapacité et de pertes financières. »
Ce pronostic peut déclencher deux effets opposés: pousser les transporteurs qui ne l’ont pas encore fait à se précipiter vers les navires qui offrent le meilleur coût d’exploitation au slot, prenant ainsi le risque d’augmenter la surcapacité; ou sortir du marché comme l’espère Mærsk à longueur d’articles publiés dans la grande presse anglo-saxonne.
À longueur de rapports, Olaf Merk, administrateur de l’OCDE, dénonce la cascade de subventions qui facilitent les surcapacités du transport maritime et portuaire.