Mi-août, l’Association des armateurs de Norvège a annoncé via un éditorial dans l’un des quotidiens économiques du pays: « En tant qu’industrie, nous ne pouvons plus défendre que les navires soient déconstruits dans des conditions qui nuisent à la santé et à l’environnement. Par conséquent, en tant que l’une des premières associations de propriétaires de navires dans le monde, nous disons non à l’échouage des navires. » Les organisations de défense des droits de l’homme et de l’environnement se sont félicitées de cette déclaration en espérant que cette position puisse changer les pratiques actuelles de démolition, rapporte Poten & Partners, fournisseur d’informations pour les secteurs de l’énergie et du transport maritime international, dans un bulletin publié le 21 août. À travers l’histoire, la méthode de déchirage des navires, démolition ou recyclage a varié, mais depuis le milieu des années 1980, la localisation de ces activités s’est fixée dans le sous-continent indien où environ 95 % des navires en fin de vie sont « échoués », poursuit Poten & Partners. « Il y a une prise de conscience croissante que les conditions de travail dans des lieux où se déroule le recyclage des navires sont dangereuses. La pression des organisations de défense de l’environnement commence à faire évoluer les méthodes de recyclage. » Poten & Partners considère que cette prise de conscience n’a pas encore vraiment gagné l’industrie du transport maritime international et semble douter que cela se produise dans un avenir proche.
Des navires vendus au plus offrant
En effet, les navires de commerce ont une durée de vie limitée et sont généralement retirés du service entre 15 et 25 ans, rappelle Poten & Partners. Dans les cas exceptionnels de marchés particulièrement porteurs, la durée de vie d’un navire peut-être prolongée de quelques années. À l’inverse, quand les taux d’affrètement sont très faibles, il est logique d’un point de vue commercial pour les propriétaires de retirer les navires de leurs flottes plus rapidement. Au-delà de ces considérations et de celles sur la préservation de la santé et de l’environnement, les armateurs fondent leur décision relatives à la fin de vie des navires de leurs flottes sur deux piliers principaux: les considérations financières et la réglementation, affirme Poten & Partners. « Ils vont vendre leur navire au plus offrant, à moins que les règles et législations les forcent à aller ailleurs. »
Depuis 2007, la faiblesse du prix de l’acier a entraîné une diminution des prix de la ferraille. Toutefois, les installations en Inde, Bangladesh ou Pakistan maintiennent des prix plus élevés que les cours afin d’attirer une grande majorité des navires, relève Poten & Partners. En 2014, plus de 1 000 navires ont été démolis dans le monde, 60 % d’entre eux ont fini sur les plages du sous-continent indien. Dans un tel contexte, les réglementations internationales n’incitent pas encore les armateurs à opter pour une autre solution que les plages du sous-continent indien pour la démolition ou le recyclage des navires. Le 15 mai 2009, l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté la « Convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ». Comme tous les textes de l’OMI, cette convention n’entrera en vigueur que 24 mois après sa ratification par 15 États membres, représentant 40 % de la flotte marchande mondiale en tonnage brut combinée à un volume annuel de recyclage des navires d’au moins 3 % du tonnage de ces 15 pays. À ce jour, cette convention a été approuvée par trois pays: la France, la Norvège et le Congo. Aussi, l’annonce de l’Association norvégienne des armateurs est symboliquement importante. Toutefois, tant que cet avis ne sera pas partagé par toutes les parties prenantes, « les considérations financières continueront de déterminer où et comment la plupart des armateurs recyclent leurs navires ».