Depuis quelques semaines, le port d’Anvers et ses environs immédiats vivent à l’heure chinoise. Il y a eu la reprise toute récente par des intérêts chinois de la totalité d’un grand centre commercial dans le pays de Waas rive gauche, et de 50 % dans le grand centre commercial de Wijnegem, qui abrite plus d’une centaine des magasins. AXA Banque maintient sa participation de 50 %. Quelques jours plus tard, lors de la visite « économico-royale » qui fut menée en Chine, plusieurs accords de coopération ont été signés. Manifestation au cours de laquelle a été évoqué par les hautes autorités chinoises le nouveau projet stratégique du gouvernement présenté sous le label One Belt one road. Ce projet a été par la suite longuement abordé lors de la visite du Premier ministre chinois au siège de CMA CGM à Marseille. Cette stratégie implique un volet terrestre et l’adaptation des circuits maritimes.
En ce qui concerne le premier volet, la visite de la mission belge à Pékin a été l’occasion de donner suite à un mémorandum signé précédemment entre China Logistics, une division du groupe étatique Chengtong Holding, et le manutentionnaire anversois Zuidnatie, dont l’objectif est de créer un hub pour la réception de biens de consommation chinois amenés par trains et par voie maritime pour redistribution en Europe, mais aussi en Afrique de l’Ouest. Ce projet est soutenu par la nouvelle Asia Infrastructure Investment Bank qui, de concert avec Chengtong Holdings, soutient ce projet financièrement.
Un investissement de 250 M€
Un site a été retenu dans la zone portuaire de la rive gauche, à savoir l’ancien centre d’Opel/GM de 88 ha, à proximité immédiate du bassin Churchill. L’investissement porterait sur 250 M€ et contribuerait à la création de 230 emplois. La Zuidnatie se chargerait de la gestion du site (qui ferait l’objet d’une société conjointe groupant tous les participants) comprenant des entrepôts, et se chargerait de la manutention et du stockage. À cela s’ajouteraient un centre d’exposition et un hôtel. De son côté, la Zuidnatie envisagerait des activités en Chine. À l’initiative du port d’Anvers et des intéressés, un groupe de travail a été constitué, qui a pour mission de procéder à une étude de marché, étude qui devrait être terminée pour la fin août. Côté maritime, il n’y a pas de problème. Les deux grands armements chinois sont bien ancrés à Anvers. Cosco, via Cosco Pacific, détient 20 % du terminal Antwerp Gateway au Deurganckdok. China Shipping Container Line, via China Shipping Terminal, est engagé dans AIT Antwerp International avec PSA (une section du Noordzeeterminal) dans le cadre de la coopération entre des membres de l’alliance CKYH, c’est-à-dire avec K Line, Yang Ming et Hyundai. Quant à la Zuidnatie, qui exploite un grand terminal au bassin Churchill, elle traite des trafics par barges avec les deux grands terminaux précités, soit un trafic global de plus de 400 000 EVP par an. La stratégie qui consiste à emprunter la voie maritime entre l’Asie du Sud-Est, l’Océanie, l’Afrique de l’Est et du Nord et l’Europe du Nord, pourra donc trouver justification à Anvers notamment.
Voie ferroviaire
Par contre, pour ce qui est de la voie ferroviaire, la réalisation pourrait s’avérer assez difficile. Certes, des liaisons ferroviaires existent déjà entre certaines régions de Chine et Hambourg/Duisbourg à l’initiative de la DB. Récemment, Hao Logistics a lancé un train régulier (un départ tous les 15 jours) entre Harbin, dans le nord de la Chine, et Hambourg, sur une distance de 9 820 km. Ce train de 49 EVP traverse la Russie et la Pologne. Le trajet dure entre 15 et 18 jours. Quant à la cargaison, il s’agit surtout d’équipements électroniques et de pièces pour voitures. Ces cargaisons, outre la Chine, peuvent provenir du Japon et de la Corée. Il est question d’un fret de retour, d’Allemagne, de Pologne, de France, d’Italie et d’Espagne. Le nouveau projet de service ferroviaire, via la Russie, consiste surtout à favoriser l’expansion d’entreprises situées dans d’autres régions de la Chine. Il n’en reste pas moins vrai qu’une étude coûts/rendements sera assez laborieuse compte tenu des nombreux paramètres à prendre en considération. Les services maritimes Chine/Europe du Nord présentent des durées de transit qui vont de 25 à 35 jours, contre 15 à 18 jours pour le rail et un nombre très limité d’EVP par train. Certes, le transport par la route des productions de ces régions de Chine vers les ports de chargement est très onéreux. Mais la seule partie du transport ferroviaire coûtera plusieurs milliers de dollars par EVP, en ce comprises les charges d’assurances visant à couvrir les risques pouvant survenir durant de tels parcours. L’économie en matière d’immobilisation de stocks par rapport au trajet maritime serait-elle assez significative? À l’opposé, le transport maritime Chine/Europe du Nord n’a jamais été aussi bon marché que ces deux dernières années. Il y a quelques semaines, les taux spots pour un Shanghaï-Anvers étaient de 230 $ all in pour un EVP, tandis que dans l’autre sens, il s’est agit de 700 $ le 40’ gate in all in. Régulièrement, les armements annoncent des GRI de 950 $ à 1 200 $ lpar EVP, dont il ne reste finalement pas grand-chose tant la surcapacité subsiste et subsistera malgré les restrictions régulières en matière de capacité. Dans ces conditions, on voit mal le rail concurrencer efficacement le maritime. Il en irait peut-être autrement si l’objectif était de développer une structure ferroviaire axée sur l’exploitation de trains double stack de 800 EVP et plus (mais à 70 km/h), comme cela se pratique aux États-Unis.